Ouvre ton écorce, arbre, Prends-moi dans ton écorce. . . Les jours ont passé un par un, Les jours ont passé deux par deux, Nous nous sommes nourris d'amour, Et de souffrance et de deuil. M'ont déjà fatigué Les jours amples ou étroits, M'ont déjà fatigué Coupables et innocents, M'ont déjà fatigué Cette légère tristesse Et ces malheureuses nostalgies. Alors, ouvre ton écorce, arbre, Prends-moi dans ton écorce ! Prends-moi dans ton écorce, En ce siècle sans fleurs ; Je vais me fondre en toi Comme un petit printemps, Comme un chagrin secret, Au fond de tes feuilles, Je brillerai même triste Et entrerai dans un profond sommeil. Et que les vents viennent, M'arrachent de tes mains, Moi, je m'éveillerai, mon arbre, Nous tonnerons ensemble. Moi, je serai poussé avec toi, Moi, je me courberai avec toi, Et de l'emprise des vents Je me délivrerai avec toi. Et une nuit secrète, Quand tous dormiront, Je te répéterai des paroles magiques ; Nous irons tout doucement Nous nous lèverons en tapinois Et rendrons insomniaque Celle qui dort. Dans son rêve, Un arbre ensorcelé Prendra forme humaine ; Il soufflera tout bas, Et d'une langue humaine, Comme une merveilleuse légende, Il lui confiera Un immense amour perdu, Et une infinie nostalgie. Razmig Tavoian (né 1940) Traduction par Louise Kiffer (Sarian) |