A mon petit bois

Bois pur, où rien ne m'importune,
Où des cours et de la fortune
J'ignore et la pompe et les fers,
Où je me plais, où je m'égare,
Où d'abord ma muse s'empare
De la liberté des déserts;
Où je vis avec l'innocence,
Le sommeil et la douce aisance,
Et l'oubli de cet univers,
Loin de moi jetant dans les airs
Tous les orgueils de l'importance,
Tous les songes de l'espérance
Et l'ennui de tous les travers;
Où pour moi, ma seule opulence,
Ce que je sens, ce que je pense,
Devient du plaisir et des vers.
O le plus charmant bois de France!
Que de douceurs dans tes concerts!
Quel entretien dans ton silence!
Quel secret dans ta confidence!
Que de fraîcheur sous tes couverts!

Jean-François Ducis (1733-1816)