Ode pour une belle femme
Sera-t-elle évoquée par le fleuve,
Evoquée par l'arbre ?
Sera-t-elle ressuscitée en fleur par l'été blanc
Ou naîtra-t-elle étoile au front de la nuit ?
Sera-t-elle versée comme coupe d'or
Dans le gosier de l'amant un soir ?
Offrira-t-elle au vent à la main inclinée
Les branches de sa taille enjouée ?
Rira-t-elle de plein cur ?
Elle avait un cur de cristal :
Chaque fois qu'il débordait de vin d'amour
Les choses en fête dansaient sous sa lumière
Sera-t-elle évoquée par la pluie bleuâtre
Au-dessus de l'aube nue ?
Elle était l'oiseau qui ne battait jamais de l'aile
dansant sous les pluies
chantant pour les voyages
Elle comblait des biens de son paradis
L'amant jusqu'à en devenir l'âme,
Et le corps salé, comme d'une ombre de nuage.
Elle était, dans la nuit constellée, une forêt
Que ne pénétrait que l'étoile chargée de songes.
Le parfum s'en exhalait de toutes parts.
Comme tout mortel, elle ressentait la faim, mangeait
Elle se réveillait à l'aube, se fanait
Quand se couchait la lune sans défense.
Elle était étoile inaccomplie,
Vent entourant les épaules des arbres.
Ah, rudesse des destins !
Nous mourons de mes dépits
Le marin meurt sous le regard de la plage verte
L'assoiffé meurt sur le bord du fleuve
Elle est morte
Le destin chantait alors qu'elle mourait.
De son histoire, elle n'a gardé
Que ce que le vent porte
D'exhalation de parfum.
Aux fleurs rêvant du printemps,
Elle a offert la couleur, puis elle s'est retirée
derrière les pierres.
Les pommes veloutées
Ont ravi la soie de sa joue ardente.
Elle est morte :
Les doux moments éphémères l'évoqueront-ils
Sous la lune bleue
La nuit d'été ?
Son oiseau l'évoquera-t-il
En débattant avec les souffles du vent ?
Les fleurs de la vallée l'évoqueront-elles
En s'exaltant ?
Elle est morte,
La lune déclinante pleure
Et alors que j'aperçois une fleur
Des vagues s'ouvrent dans ma mémoire
Des vagues s'ouvrent dans ma mémoire
Mohamad Ibrahim Abou-Senna (Poète Égyptien, né en 1937 à Guizeh)
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