GENEVRIER, (Hist. nat. bot.) [Auteur: Daubenton, Jaucourt] (Page 7:579)

GENEVRIER, s. m. juniperus, (Hist. nat. bot.) genre de plante à fleur en chaton, composée de plusieurs petites feuilles qui ont des sommets. Cette fleur est stérile. Le fruit est une baie qui renferme des osselets anguleux, dans lesquels il se trouve une semence oblongue. Les feuilles de la plante sont simples & plates. Tournefort, inst. rei herb. Voyez Plante. (I)

Cet arbrisseau, quelquefois arbre, est connu de tout le monde; parce qu'il croît dans toute l'Europe, dans les pays septentrionaux & dans ceux du midi, dans les forêts, dans les bruyeres, & sur les montagnes. Il est sauvage ou cultivé, plus grand ou plus petit, stérile ou portant du fruit, domestique ou étranger.

On a autrefois confondu sous le même nom, les cedres & les genévriers. Théophraste nous dit que quoiqu'il y eût deux sortes de cedres, le licien & le phénicien, néanmoins c'étoient l'un & l'autre des arbres de même nature que le genévrier, avec cette seule différence que le genévrier s'élevoit plus haut, & que ses feuilles étoient douces; au lieu que celles du cedre étoient dures, pointues & piquantes: c'est à - peu près le contraire; mais cette confusion de noms qui étoit plus ancienne que Théophraste, & qui ne changea pas de son tems, s'est perpétuée d'âge en âge. Les Grecs appelloient indifferemment thion, l'un & l'autre de ces deux arbres; de sorte que le thion, le cedre & le genévrier devinrent synonymes. Ces mêmes Grecs nommoient aussi genévrier, le cyprès sauvage; & les Arabes à leur tour ont appellé genévrier, le cedre sauvage: non - seulement Myrespse en agit ainsi, mais il les confond tous les deux avec le citre des Romains. Quelques auteurs depuis la découverte de l'Amérique, sont tombés dans la même faute, en donnant le nom de cedres atlantiques aux genévriers des Indes occidentales. Les Espagnols comprennent sous le nom d'énebro, toute espece de genévrier & de cyprès. Enfin il y a plus, on appelle en anglois cedres de Virginie & des Bermudes, les genévriers de ces pays - là.

Mais heureusement les noms vulgaires ne peuvent causer des erreurs, depuis qu'on a décrit & caractérisé le genévrier d'une maniere à la distinguer infailliblement du cedre, du cyprès, & de tout autre arbre. Ses feuilles sont longues, étroites & piquantes; ses fleurs mâles sont de petits chatons qui ne produisent point de fruit; le fruit est une baie molle, pulpeuse, contenant trois osselets qui renferment chacun une graine oblongue.

Entre les especes de genévriers que comptent nos Botanistes, il y en a deux générales & principales; le genévrier commun arbrisseau, & le genévrier commun qui s'éleve en arbre.

Le genévrier arbrisseau se trouve par - tout; c'est le juniperus vulgaris, fruticosa, de C. B. P. 488. J. R. H. 588. Ses racines sont nombreuses, étendues de tout côté; & quelques - unes sont plongées profondément dans la terre. Son tronc s'éleve quelquefois à la hauteur de cinq ou six piés; il n'est pas gros, mais branchu & fort touffu. Son écorce est raboteuse, rougeâtre, & tombe par morceaux. Son bois est ferme, un peu rougeâtre, sur - tout quand il est sec; il sent bon & jette une odeur agréable de résine. Ses feuilles sont pointues, très - étroites, longues d'un pouce, souvent plus courtes, roides, piquantes, toûjours vertes, placées le plus souvent trois à trois autour de chaque noeud. Ses fleurs sont des chatons qui paroissent au mois d'Avril & de Mai, à l'aisselle des feuilles; ils sont longs de deux ou trois lignes, panachés de pourpre & de couleur de safran, formés de plusieurs écailles, dont la partie inférieure est garnie de trois ou quatre bourses plus petites que la graine de pavot, remplies d'une poussiere dorée très - fine: ces sortes de fleurs sont stériles. Les fruits viennent en grand nombre sur d'autres especes de genévriers qui n'ont pas d'étamines; ce sont des baies ordinairement sphériques, contenant une pulpe huileuse, aromatique, d'un goût résineux, âcre & doux.

Le genévrier commun qui s'éleve en arbre, ou le grand genévrier, juniperus vulgaris, arbor, de C. B. P. Tournef. juniperus vulgaris, celsior, de Clusius, ne differe du petit genévrier qu'on vient de décrire, que par sa hauteur, qui même varie beaucoup suivant les lieux de sa naissance. On dit qu'en plusieurs pays d'Afrique, il égale en grandeur les arbres les plus élevés. Son bois dur & compact est employé pour les bâtimens. Cet arbre pousse en - haut beaucoup de rameaux, garnis de feuilles épineuses, toûjours vertes. Les chatons sont à plusieurs écailles & ne laissent aucun fruit après eux; car les fruits naissent en des endroits séparés, quoique sur le même pié qui porte les chatons; ils sont noirs, odorans, aromatiques, d'un goût plus doux que ceux du petit genévrier. On distingue cet arbre du cedre, non - seulement par son fruit, mais encore par ses feuilles qui sont simples & plates; au lieu que les feuilles du cedre sont différentes, & semblables à celles du cyprès. C'est ce qui prouve que les Grecs en confondant les cyprès, les genévriers & les cedres, n'ont point connu les cedres du mont Liban.

Le grand genévrier est cultivé dans les pays chauds, comme en Italie, en Espagne & en Afrique; il en découle naturellement ou par incisions faites au tronc & aux grosses branches pendant les chaleurs, une résine qu'on appelle gomme du genévrier, ou sandaraque des Arabes. Voyez Sandaraque des Arabes.

Le genévrier à baie rougeâtre, juniperus major, baccâ rubescente, de C. B. & de Tournefort, est du nombre des grands genévriers. Il est commun en Languedoc, où il porte de gros fruits rougeâtres, mais peu savoureux. On distille par la cornue son bois, pour en tirer une huile fétide, que les Maréchaux employent pour la galle & les ulceres des chevaux: c'est - là cette huile qu'ils nomment l'huile de Cade. Voyez Huile de Cade.

Le genévrier d'Asie à grosses baies, juniperus Asiatica, latifoliae, arborea, cerasi fructu, de Tournefort, peut être une variété du genévrier précédent. On le trouve, dit - on, sur les montagnes en Asie, & il n'y croît qu'à la hauteur de sept ou huit piés. Son fruit est gros comme une prune de damas, rouge, rempli d'une chair seche, fongueuse, de la même couleur, d'un goût doux, aigrelet, astringent, agréable, sans odeur apparente, contenant cinq ou six osselets plus gros que des pepins de raisins, durs, rouges, & oblongs.

Les genévriers de Virginie & des Bermudes sont du nombre des genévriers exotiques qu'on cultive le plus en Angleterre. On a trouvé le moyen de les élever dans cette île jusqu'à la hauteur de vingt - cinq piés, en coupant leurs branches inférieures de tems à autre, & pas trop près, pour ne point les blesser à cause de l'abondance de leur seve qui ne manqueroit pas de s'écouler. Ils font des progrès considérables au bout de quatre ans, & résistent aux plus grands froids du climat. On les multiplie de graine, qu'on retire de la Caroline on de la Virginie. Dès que la graine est levée, ce qui n'arrive pas toûjours à la premiere année, on a soin de nettoyer la jeune plante des mauvaises herbes, & on la transporte le printems suivant avec de la terre attachée aux racines, dans une couche qu'on lui a préparée: on la laisse se fortifier dans cette couche deux ans entiers, on se contentant de couvrir le pié de terre & de gason retourné, pour le garantir de la gelée; ensuite on transplante l'arbrisseau dans le lieu qu'on lui destine à demeure: ce lieu doit être une terre fraîche, legere & non fumée; sans

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autre précaution, sans arrosement & sans amender cette terre, l'arbuste prospere, s'éleve en arbre qui, par sa hauteur & sa verdure, ne déplaît dans aucune plantation.

Le genévrier des Bermudes ne demande qu'un peu plus de soin dans les premiers tems, à cause de sa délicatesse. Le bois de l'un & de l'autre tire sur le rouge, & abonde en résine d'une odeur charmante. On honore communément leur bois, sur - tout celui des Bermudes, du nom de bois de cedre, quoiqu'il y ait dans la Grande - Bretagne d'autres bois de ce même nom, qui viennent d'arbres bien différens des Indes occidentales; cependant c'est du bois de ces especes de genévrier, qu'on fait en Angleterre des escaliers, des boiseries, des lambris, des commodes, & meubles pareils. La durée de ce bois l'emporte sur tout autre; ce qu'il faut peut - être attribuer à l'extrème amertume de sa résine. On l'employe dans l'Amérique à la construction des vaisseaux marchands; c'est dommage qu'il ne convienne pas à la bâtisse des vaisseaux de guerre, parce qu'il est si cassant qu'il se fendroit au premier coup de canon.

Le bois de nos genévriers n'est d'aucun usage en charpenterie ni en menuiserie; il ne sert qu'à être brûle à cause de sa bonne odeur, pour corriger l'air corrompu par de mauvaises exhalaisons. Voyez donc ci - après Genievre. (D. J.)

Genevrier, (Chimie & Mat. méd.) [Auteur: Venel] (Page 7:580)

Genevrier, (Chimie & Mat. méd.) Toutes les parties du genévrier contiennent une huile essentielle qui se manifeste par une odeur forte: cette huile est unie dans les bois & dans les racines, à une substance résineuse qui en découle dans les pays chauds, par l'incision que l'on fait à son écorce. Cette matiere abonde sur - tout dans le grand genévrier qui croît dans les provinces méridionales du royaume, & qui y est connu sous le nom de cade.

On retire dans ces pays de cette derniere espece de genévrier, une huile empyreumatique, noire & épaisse, en distillant le tronc & les branches de cet arbrisseau dans un appareil où le fourneau sert en même tems de vaisseau contenant, & qui est construit sur les mêmes principes que celui dans lequel on prépare la poix noire. Nous décrirons cette manoeuvre à l'article Poix. Cette huile empyreumatique qui est connue sous le nom d'huile de cade, est fort usitée dans nos provinces méridionales contre les maladies extérieures des bestiaux, & surtout dans la maladie éruptive des moutons, appellée petite vérole ou picote.

Cette huile antre dans la composition du baume vert; elle est véritablement caustique, si l'on en touche l'intérieur d'une dent creuse, elle cautérise le nerf & calme la douleur: mais si l'on continue à l'appliquer, elle fait bien - tôt tomber la dent en pieces. Quelques uns ont osé la donner intérieurement contre la colique & les vers; mais on ne peut avoir recours à ce remede sans témérité. C'est - là l'unique médicament que le grand genévrier fournit à la Medecine; médicament encore dont les usages sont très peu étendus comme l'on voit.

C'est du petit genévrier, du genévrier commun, de celui qui croît dans toute l'Europe, que nous allons parler dans le reste de cet article. Ce sont ses baies que l'on employe principalement en Medecine.

On retire des baies de genievre une eau distillée, une huile essentielle; on en prépare un vin & un rob ou extrait. Voyez Eau distillée, Huile essentielle, Vin, Rob & Extrait .

Les Allemands employent fréquemment dans leurs cuisines les baies de genievre à titre d'assaisonnement. Etmuller les appelle l'aromate des Allemands. Nous en faisons un fréquent usage, mais seulement à titre de médicament. Nous les employons principalement dans les maladies de l'estomac, qui dépendent de relâchement, de foiblesse & d'un amas de glaires tenaces & épaisses. Nous les regardons comme souveraines contre les vents, les coliques venteuses, les digestions languissantes. Elles passent aussi pour déterger les reins & la vessie, pour faire chasser les glaires des voies urinaires, & pour faire sortir hors du corps les sables & les calculs. Elles sont célébrées aussi comme béchiques & comme principalement utiles dans l'asthme humide: on leur a accordé aussi la qualité sudorifique, emménagogue & alexipharmaque: c'est à ce dernier titre que quelques - uns les ont appellées la thériaque des gens de la campagne.

On prescrit les baies de genievre à la dose d'un gros ou de deux, que l'on mange de tems en tems dans la journée, ou que l'on prend en infusion dans de l'eau ou dans du vin.

L'extrait ou le rob de genievre, qui est aussi appellé la thériaque des Allemands, se prescrit dans les mêmes vûes à la dose d'un gros dans du vin d'Espagne, dans de l'eau de genievre, ou dans quelqu'autre liqueur convenable: on le fait entrer aussi avec d'autres remedes dans les électuaires magistraux.

L'eau distillée des baies de genievre est fort vantée par Etmuller pour les coliques & la néphrétique; elle excite doucement l'excrétion de l'urine, selon cet auteur; & elle corrige sur - tout la disposition au calcul, si on en boit à jeun pendant un certain tems quatre ou six onces. On ne sauroit compter sur l'efficacité de l'eau distillée de genievre, comme sur l'extrait ou sur le fruit même pris en substance.

On retire du vin de genievre par la distillation un esprit ardent, auquel on accorde communément des vertus particulieres; mais on ne peut en attendre raisonnablement que les effets communs des esprits ardens. Voyez Esprit ardent.

L'huile essentielle de genievre dissoute dans l'esprit - de - vin, ou donnée sous forme d'aleo - saccharum dans une liqueur convenable, est fort diurétique, emménagogue & carminative: mais, selon Michel Albert cité par Geoffroi, on ne doit pas en permettre trop facilement l'usage intérieur, parce qu'elle échauffe beaucoup. On peut l'employer à l'extérieur dans les onguens nervins & fortifians.

Les auteurs de Pharmacopée recommandent de brûler le marc de la préparation du rob, & d'en retirer un sel, auquel ils attribuent plusieurs vertus particulieres, & analogues pour la plûpart aux propriétés du fruit dont il est retiré: mais nous ne croyons plus que les sels préparés par la combustion des végétaux, retiennent les propriétés de la matiere qui les a fournis; & nous ne reconnoissons dans ces sels que des qualités communes. Voyez Sel Lixiviel.

On fait un elixir de genievre avec l'extrait délayé dans l'esprit ardent, c'est un bon stomachique & un diurétique actif. La dose est d'une cuilleréc.

Le ratafia préparé par l'infusion des baies de genievre dans de l'eau - de - vie, est un cordial stomachique fort usité, & qui produit réellement de bons effets.

M. Chomel recommande fort pour la teigne, un onguent fait avec les baies de genievre pilées & bouillies, & le saindoux.

De toutes ces vertus du genievre que nous venons de rapporter, les plus évidentes sont sa qualité stomachique, carminative & diurétique. M. Geoffroi observe très - judicieusement que si on l'employe sans distinction de cas dans toutes les maladies de l'estomac & des voies urinaires, on causera quelquefois des ardeurs ou des suppressions d'urine, des distensions dans l'estomac, des rots, & une plus grande quantité de vents qu'auparavant: mais cela même est le plus grand éloge qu'on puisse faire de ce remede; car ces médicamens innocens qui, s'ils ne font point de bien ne peuvent jamais faire du mal

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selon l'expression vulgaire, peuvent être très - raisonnablement soupçonnés d'être dans tous les cas aussi inutiles que peu dangereux.

Les baies de genievre entrent dans les compositions suivantes de la pharmacopée de Paris; savoir l'eau thériacale, l'eau générale, l'eau prophylactique, l'opiate de Salomon, l'orviétan, le trochisque de Cyphi, l'huile de scorpion composée, le baume oppodeldoc, leur extrait dans la thériaque diatessaron, l'orviétan ordinaire, l'orvietanum praestantius; leur huile distillée dans la thériaque celeste, le baume de Leictoure, le baume verd de Metz, l'emplâtre stomacal, l'emplâtre styptique.

La résine de genievre entre dans les pilules balsamiques de Stahl.

On brûle dans les hôpitaux & dans les chambres des malades, le bois & les baies de genievre, pour en chasier le mauvais air. (b)

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de Gens de lettres (1751-1772)
Publié sous la direction de Diderot et d'Alembert
Scanné et mis au format électronique par l'Université de Chicago