Houx, (Hist. nat. Bot. & Jardinag.) (Page 8:328)

Houx, aquifolium, (Hist. nat. Bot. & Jardinag.) arbrisseau toujours verd, qui croît naturellement dans les climats tempérés de l'Europe; quelquefois il prend la hauteur d'un arbre, quand il se trouve dans un terrein favorable, & qu'on lui laisse le tems de s'élever; mais ordinairement il reste en sous - ordre, parce que les autres arbres le gagnent de vîtesse & le couvrent. Son écorce est verte sur les jeunes branches, & de couleur de cendre sur le vieux bois; ses feuilles de la grandeur de celles du laurier - franc pour le moins, sont d'un verd brun des plus brillans, mais elles sont garnies de piquans fort vifs, & chaque pointe occasionne des recourbures, soit en dessus, soit en dessous de la feuille; au lieu que les feuilles qui n'ont point de piquans sont plates & unies. Le houx donne au mois de Mai des fleurs blanches d'une assez jolie apparence: les fruits qui leur succedent, sont des baies molles, rondes & rouges, d'un goût douçâtre & fade; ces baies, quoiqu'en maturité des le mois de Septembre, restent sur l'arbrisseau pendant presque tout l'hiver.

Le houx vient sur les pentes des montagnes, dans les gorges serrées & exposées au Nord, parmi les pierres & les rochers, dans les terreins graveleux, dans les lieux incultes, ombragés & exposes au froid: il se plaît, sur - tout dans un terrein frais, léger & stérile, à l'ombre des autres arbres, & dans le voisinage des petites sources qui suintent à - travers les terres. Mais on le trouve rarement dans les plaines, il se refuse aux terres fortes, & le fumier lui est pernicieux.

Cet arbrisseau peut se multiplier de trois façons: en semant les graines, en couchant les branches, & par la greffe: le premier moyen est fort long, le second est fort incertain, & le dernier ne sert qu'à la multiplication des variétés du houx, qui sont panachées. Le parti le plus court & le plus sûr, c'est de prendre dans les bois de jeunes plants, & de les transplanter avec les précautions dont il sera parlé ci - après. Mais si on veut faire des semis de houx, soit pour former des haies ou en faire une pepiniere, il faudra faire cueillir la graine le plus tard que l'on pourra, c'est - à - dire aux mois de Novembre ou Décembre, avant qu'elle ne soit tombée, ou qu'elle ait été enlevée par les oiseaux: & comme on doit s'attendre qu'elle ne levera qu'au second printems, quand même on la semeroit tout de suite, il y a un autre parti à prendre, qui est de mettre cette graine dans du sable, & de la tenir pendant un an dans un lieu sec: cela dispense d'occuper inutilement un terrein qui se trouve en meilleure culture, lorsque les graines levent peu de tems après qu'elles ont été semées. On les semera quand on voudra dans le cours de la premiere année, & on pourra même attendre jusqu'au mois de Mars de l'année suivante, cela sera à peu - près égal. Nulle autre soin que de choisir un terrein meuble & léger. Cependant au moyen de quelques précautions, on peut venir à bout de faire lever ces graines dès la premiere année. Bradley, auteur anglois, propose deux moyens, l'un est de mettre en tas les baies du houx aussi - tôt qu'on les aura cueillies, & de les laisser suer, fermenter & se dessécher ainsi, sans y toucher jusqu'au printems. Alors il se trouvera que les graines seront dénuées de leur pulpe, & même qu'elles auront germé: si on les seme dans ce tems, elles leveront au bout d'un mois. L'autre moyen que le même auteur dit lui avoir été communiqué par le célebre Newton, est de méler un boisseau de son avec pareille quantité de graines de houx, de bien humecter le tout avec de l'eau de pluie ou d'étang, de laisser cette préparation pendant dix jours sans la remuer, mais d'avoir soin de l'arroser de tems en tems avec de l'eau chaude, chaque fois que l'on s'apperçoit qu'elle commence à sécher. La chaleur du son fera fermenter les graines, & les disposera à la végétation, en sorte qu'on pourra les semer au bout d'un mois ou six semaines. On peut semer cette graine à plein champ, ou en rayon; cette derniere pratique est plus commode pour la culture. Les jeunes plants s'éleveront à un pouce la premiere année; à trois ans ils auront quatre pouces, & seront propres à être transplantés en pepiniere: à cinq ans ils fleuriront, & donneront des graines: c'est alors qu'ils seront en état d'être greffés ou transplantés à demeure. Le houx croît très - lentement dans les commencemens; mais quand une fois il a fait de bonnes racines, il pousse vigoureusement, & on est bien dédommagé de l'attente, par l'épaisseur, la force & la hauteur qu'il prend. Une haie de houx peut s'élever à seize piés en vingt ans. Bradley, que j'ai déja cité, rapporte qu'il s'est trouvé des houx en Angleterre qui avoient plus de soixante piés de haut; ce qu'il y a de sûr, on en a vû en France qui avoient trois piés de tour sur trente d'élévation.

La transplantation sera ici le point essentiel: comme il faut beaucoup de tems pour élever le houx de semence, il est d'usage d'en tirer des plants de bois pour accélérer. Tous les plants que l'on prend dans les bois sont défectueux, parce qu'ils manquent de racines: les arbres toujours verds d'ailleurs, reprennent plus difficilement que ceux qui quittent leurs feuilles; enfin le houx, qui aime l'ombre & le frais, craint le changement & la culture. Il faut donc des précautions pour le transplanter avec succès; les plants que l'on pourroit détacher des vieux troncs sont les moins convenables: il faut choisir les jeunes plants uniques & séparés, qui soient au plus de la grosseur d'un petit doigt; il faut les transplanter d'abord dans une terre fraiche & légere, contre un mur exposé au Nord; cette opération doit se faire au commencement d'Avril, par un tems sombre & humide, il faudra rabatre la tige à un pié de terre, & chicotter les branches qui pourroient y rester, ensuite les arroser abondamment, & les couvrir de paille, qu'il ne faudra ôter que lorsque les plants commenceront à pousser. Deux ans après ils auront fait de nouvelles racines, & on pourra les greffer ou les transplanter à demeure. On peut aussi réussir à la transplantation des houx qui sont dans leur force; mais le seul moyen d'en venir à bout, c'est de les enlever avec la motte de terre; & comme il arrive rarement que cette opération puisse se faire aisément dans les saisons qui sont propres à la transplantation, on prend le parti de faire enlever ces arbrisseaux au fort de l'hiver, dans le tems des grandes gelées: par ce moyen on conserve une bonne quantité de terre à leur pié, & il y a lieu de se flater d'un bon succès. Cependant si l'on s'apperçoit au mois de Mars suivant que ces plants, loin de pousser, ont les feuilles fannées, & qu'ils se dessechent, il faudra les couper jusqu'au pié, & la plûpart repousseront vigoureusement.

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On peut prendre encore une plus grande précaution, en choisissant dans le bois un an avant la transplantation, les houx que l on veut se procurer; on fait fouiller la terre tout - au - tour, en ne conservant que la motte avec laquelle on pourra les cultiver: ce travail force les arbrisseaux à faire de nouvelles racines, & à se garnir de chevelu; & dans le tems des gelées il est plus facile de les enlever avec la motte de terre. Il y a encore une façon de les transplanter en grand: c'est de couper toutes les branches latérales, & de coucher dans la terre l'arbre en entier, en ne laissant sortir de la terre que quelques branches vigoureuses qu'il faudra tailler à six pouces au - dessus de terre; ordinairement ils réussissent par cette méthode. Lorsque l'on veut transporter des houx au loin, il est presque indispensable de les mettre dans des manequins avec leurs mottes. Quoique cet arbrisseau soit très - robuste, & qu'il résiste aux plus fortes gelées, cependant il craint le grand air & la chaleur; le soleil sur - tout est son plus grand ennemi.

Le bois du houx est blanc, dur, solide & pesant. Le coeur prend une couleur noirâtre, qui s'étend à mesure que l'arbre grossit. Les Ebénistes en font quelque usage. Ses branches sont souples & pliantes; elles conservent cette faculté long - tems après avoir été coupées: on pourroit l'employer à de gros ouvrages, si cet arbre avoit communément plus de volume. Ce bois reçoit la couleur noire plus parfaitement qu'aucun autre bois, & il prend un beau poli. La meilleure glu pour prendre les oiseaux se fait avec l'écorce du houx. Voyez Glu.

Le houx est un des plus beaux arbres que l'on puisse employer pour l'ornement d'un jardin. Le goût étoit autrefois de le mettre dans les plates - bandes, & de le forcer à prendre sous le ciseau des figures surmontées & de petites ordonnances auxquelles il n'étoit pas propre: on a enfin reconnu que la taille en dégradant les feuilles, défiguroit cet arbre. On s'est borné à le mettre dans des bosquets d'arbres toujours verds, où il fait le plus agréable aspect. On en fait des palissades naturelles qui se garnissent parfaitement, & qui prennent une bonne hauteur: on peut sur - tout en former des haies vives, qui sont admirables par la brillante verdure des feuilles, & la couleur rouge & vive des fruits qui restent pendant tout l'hiver sur cet arbrisseau. Ces haies sont de longue durée, de peu d'entretien & de la meilleure défense. Le houx ne trace point, il se garnit de lui - même, & nul insecte ne s'y attache. Mais rien ne contribue tant à l'ornement d'un jardin que les houx panachés, dont il y a plus de trente variétés. Ce genre de curiosité a commencé en Angleterre, où le terrein s'est trouvé plus propre qu'ailleurs à le favoriser: le goût dominant des Anglois pour les arbres, dont les feuilles sont bigarées de plusieurs couleurs, les a portés à rassembler tous les houx dont les feuilles se sont trouvées tachées, rayées, mouchetées, bordées, veinées, liserées ou de jaune ou de blanc, ou d'un mélange de couleur pourpre. Il est vrai qu'une feuille aussi brillante que celle du houx, lorsqu'elle est mélée de jaune ou de blanc, imite l'éclat de l'or ou de l'argent.

On multiplie ces variétés en les greffant sur le houx commun; c'est une bigarure que le hazard a produite, & que la greffe rend constante, ou plûtôt une dégradation, une sorte de maladie qui a été occasionnée par l'insuffisance ou la mauvaise qualité du terrein. Les houx panachés sont plus délicats que l'espece commune, ils craignent le grand froid qui les mutile & la bonne terre qui les décolore en les remettant en vigueur. Il leur faut beaucoup d'air & de soleil pour les entretenir dans cet état de langueur qui en fait tout l'agrément; aussi croissent - ils plus lentement que le houx commun, & s'élevent - ils beaucoup moins. Vaurence, jardinier anglois, assure qu'on peut faire panacher le houx par art, en semant les graines dans un terrein graveleux, mêlé de beaucoup de craie, & en transplantant ensuite les plants qui en proviendront dans un pareil terrein, qu'on s'abstiendra de cultiver, afin qu'il reste toujours ferme & serré. On peut greffer le houx en fente, en écusson ou en approche: la greffe en écusson est la plus en usage, elle se fait au mois de Mai: il faut lever un peu de bois avec l'écusson. Quelques auteurs ont avancé que l'oranger peut se greffer sur le houx; mais on ne trouve rien de bien constaté sur ce fait. Ce qu'il y a de plus sûr, c'est que le houx peut servir de sujet à greffer le rosier: la rose blanche double greffée sur le houx, donne des roses qui sont vertes, mais qui n'ont point d'odeur.

On trouve assez fréquemment dans les bois où il croît des houx, quelques plants de cet arbrisseau, dont la plûpart des feuilles n'ont point de piquans, & les autres bien peu: l'opinion commune est que l'âge amene ce changement. Il est vrai que cette circonstance ne se trouve que dans des plants d'une certaine force, qui ont six & huit piés de hauteur; mais aussi on voit des plants de même âge, & d'autres beaucoup plus âgés & plus élevés, dont les feuilles sont garnies d'autant de piquans qu'elles en ont sur les jeunes houx. On ne peut pas attribuer ce changement à l'exposition ou à la qualité de la terre, puisque l'on trouve des houx à feuilles non épineuses dans toutes sortes d'expositions & de terreins. Il y a plûtôt lieu de présumer que cet accident vient d'une qualité individuelle, qui est ordinaire à une espece de houx particuliere.

On connoît peu d'especes de cet arbrisseau; voici à quoi elles se réduisent.

Le houx ordinaire, dont le fruit est rouge. On en trouve à fruit jaune & à fruit blanc; ce sont des variétés dont la rareté fait tout le mérite.

Le houx hérisson. Sa feuille est hérissée de piquans, tant à la bordure qu'en dessus; lorsqu'on seme sa graine, elle produit le même caractere.

Dans ces deux especes il y a quantité de variétés panachées de jaune ou de blanc, ou d'un mélange de pourpre; on leur a donné le nom des personnes qui en ont fait la découverte, ou du lieu où elles se sont trouvées. Voyez pour le détail de ces variétés, M. Duhamel.

Le houx de Caroline à feuilles étroites. Cet arbrisseau a plus d'agrément que les houx d'Europe; ses feuilles sont plates & unies, elles sont d'un verd clair & luisant, & elles ont très - peu d'épines, qui sont si courtes, qu'à peine les apperçoit - on: cet arbrisseau est rare en France. J'en ai quelques plants qui n'ont encore donné ni fleurs ni fruits: leur jeunesse n'a pas encore permis d'essayer si on peut les greffer sur le houx commun.

Le houx de Caroline à feuilles dentelées. Les Anglois le nomment le houx dahou: c'est un petit arbre qui a une tige droite, & qui s'éleve ordinairement à seize piés dans la Caroline; il croît plus promptement que le houx d'Europe; ses feuilles sont plus longues, plus minces, & d'un verd plus clair: elles sont dentelées sans être armées de pointes; ses fruits viennent en grosses grapes, ils sont d'un rouge vif, très - brillant. Ceci est tiré de Catesby, auteur anglois, & c'est tout ce qu'on en sait. Cet arbre n'est point encore connu en France, étant même très - rare dans la Caroline, où on en a fait la découverte.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de Gens de lettres (1751-1772)
Publié sous la direction de Diderot et d'Alembert
Scanné et mis au format électronique par l'Université de Chicago