MARRONNIER, (Bot.) (Page 10:144)

MARRONNIER, s. m. (Bot.) grand arbre du même genre que le châtaignier, dont il ne differe que par son fruit que l'on nomme marron, qui est plus gros & de meilleur goût que la châtaigne. On multiplie le marronnier par la greffe sur le châtaignier, & il se cultive de même. Voyez Chataignier.

Marronnier d'inde, (Bot.) (Page 10:144)

Marronnier d'inde, hippocastanum, (Bot.) genre de plante à fleur en rose composée de plusieurs pétales disposés en rond; le pistil s'eleve hors du calice, & devient dans la suite un fruit qui s'ouvre en plusieurs parties; ce fruit contient des semences semblables à des châtaignes. Tournefort, inst. res. herb. Voyez Planie.

Marronnier d'inde, (Page 10:144)

Marronnier d'inde, hippocastanum, grand arbre qui nous est venu de Constantinople il y a environ cent cinquante ans, & que l'on ne cultive que pour l'agrément. Cet arbre prend de lui - même une tige droite & fait une tête assez réguliere; son tronc devient fort gros. Dans la jeunesse de l'arbre son écorce est lisse & cendrée; lorsqu'il est dans sa force, elle devient brune & un peu gersée. Sa feuille est grande, composée de cinq ou sept folioles rassemblées au bout d'une longue queue en forme d'une main ouverte; la verdure en est charmante au printems. L'arbre donne ses fleurs dès la fin d'Avril; elles sont blanches, chamarrées d'une teinte rougeâtre, & elles sont répandues sur de longues grappes en pyramide: ces grappes viennent au bout des branches, se soutiennent dans une position droite, & leur quantité semble couvrir la tête de l'arbre. Les fruits qui succedent sont des marrons, renfermés dans un brou épineux comme celui des châtaignes. Ce maronnier est d'un tempérament dur & robuste, d'un accroissement prompt & régulier; il réussit dans toutes les expositions; il se soutient dans les lieux serrés & ombragés à force de s'élever: tous les terreins lui conviennent, à l'exception pourtant de ceux qui sont trop secs & trop superficiels: il ne craint pas l'humidité à un point médiocre; ses racines ont tant de force qu'elles passent sous les pavés & percent les murs: enfin, il n'exige ni soin ni culture. Telles sont les qualités avantageuses qui ont fait rechercher cet arbre pendant plus de cent années. Mais depuis quelques tems son regne s'est affoibli par la propreté & la perfection qui se sont introduites dans les jardins. On convient que le marronnier est d'une grande beauté au printems, mais l'agrément qu'il étale ne se soutient pas dans le reste de l'année. Même avant la fin de Mai le marronnier est souvent dépouillé de ses feuilles par les hannetons; d'autres fois les chaleurs du mois de Juin font jaunir les feuilles qui tombent bien - tôt après avec les fruits avortés par la grande sécheresse; il arrive souvent que les feuilles sont dévorées au mois de Juillet par une chenille à grands poils qui s'engendre particulierement sur cet arbre: mais on se plaint sur - tout de la malpropreté qu'il cause pendant toute la belle saison; d'abord au printems par la chûte de ses fleurs, & ensuite

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des coques hérissées qui enveloppent le fruit; après cela par les marrons qui se détachent peu - à - peu; enfin, par ses feuilles qui tombent en automne: tout cela rend les promenades impraticables à - moins d'un soin continuel. Ces inconvéniens sont cause qu'on n'admet à - présent cet arbre que dans des places éloignées & peu fréquentées: il a de plus un grand défaut; il veut croître isolé & il refuse de venir lorsqu'il est serré & mêlé parmi d'autres arbres: mais le peu d'utilité de son bois est encore la circonstance qui le fait le plus négliger.

Le seul moyen de multiplier cet arbre est d'en semer les marrons, soit après leur maturité au mois d'Octobre, ou au plus tard au mois de Février. Avec peu de recherches sur la qualité du terrein, un soin ordinaire pour la préparation, & avec la façon commune de semer en pepiniere, les marrons leveront aisément au printems. Ils seront en état d'être transplantés à demeure au bout de cinq ou six ans; mais ils ne donneront des fleurs & des fruits qu'à environ douze ans. Cette transplantation se doit faire pour le mieux en automne, encore durant l'hiver tant qu'il ne gele pas, même à la fin de Février & pour le plus tard au commencement de Mars. On suppose pour ces derniers cas que l'on aura les plants à portée de soi; car, s'il faut les faire venir de loin, il y aura fort à craindre que la gelée n'endommage les racines; dès qu'elles en sont frappées, l'arbre ne reprend pas.

Il faut se garder de retrancher la tête du marronnier pendant toute sa jeunesse, ni même lors de la transplantation, cela dérangeroit son accroissement & le progrès de sa tige: ce ne sera que dans la force de l'âge qu'on pourra le tailler sur les côtés pour dégager les allées & en rehausser le couvert. Par ce moyen l'arbre se fortifie, ses branches se multiplient, son feuillage s'épaissit, l'ombre se complete, l'objet annonce pendant du tems sa perfection, & prend peu - à - peu cet air de grandeur qui se fait remarquer dans la grande allée des jardins du palais des Tuileries à Paris.

Le marronnier est plus propre qu'aucun autre arbre à faire du couvert, à donner de l'ombre, à procurer de la fraîcheur; on l'employera avec succès à former des avenues, des allées, des quinconces, des salles, des grouppes de verdure, &c. Pour planter des allées de marronniers, on met ces arbres à la distance de quinze, dix - huit & vingt piés, selon la qualité du terrein & la largeur de l'allée. On en peut aussi faire de bonnes haies, en les plantant à quatre piés de distance, mais on ne doit pas l'employer à garnir des massifs ou des bosquets, parce qu'il se dégrade & dépérit entre les autres arbres, à moins qu'il ne domine sur eux. Cet arbre souffre de fortes incisions sans inconvénient, & même de grandes mortoises; on a vû en Angleterre des palissades dont les pieces de support étoient infixées dans le tronc des marronniers, sans qu'il parût après plusieurs années que cela leur causât de dommage. Cet arbre prend tout son accroissement au mois de Mai en trois semaines de tems; pendant tout le reste de l'année, la seve n'est employée qu'à fortifier les nouvelles pousses, à former les boutons qui doivent s'ouvrir l'année suivante, à perfectionner les fruits, & à grossir la tige & les branches.

Quoique le bois de marronnier ne soit pas d'une utilité générale & immédiate, on peut cependant en tirer du service. Il est blanc, tendre, mollasse & filandreux; il sert aux Menuisiers, aux Tourneurs, aux Boisselliers, aux Sculpteurs, même aux Ebénistes, pour des ouvrages grossiers & couverts soit par du placage ou par la peinture. Ce bois n'est sujet à aucune vermoulure, il reçoit un beau poli, il prend aisément le vernis, il a plus de fermeté & il se coupe plus net que le tilleul, & par conséquent il est de meilleur service pour la Gravure. Ce bois n'est un peu propre à brûler que quand il est verd.

Les marrons d'inde présentent un objet bien plus susceptible d'utilité. M. le président Bon a trouvé que ce fruit peut servir à nourrir & à engraisser tant le gros & menu bétail que les volailles de toutes sortes, en prendant seulement la précaution de faire tremper pendant quarante - huit heures dans la lessive d'eau passée à la chaux vive, les marrons après les avoir pelés & coupés en quatre. Ensuite on les fait cuire & réduire en bouillie pour les donner aux animaux. On peut garder ces marrons toute l'année, en les faisant peler & sécher soit au four ou au soleil. Par un procedé un peu différent, la même expérience a été faite avec beaucoup de succès & de profit. Voyez le Journal économique, Octobre 1751. Mais M. Ellis, auteur anglois qui a fait imprimer en 1738 un traité sur la culture de quelques arbres, paroît avoir trouvé un procedé plus simple pour ôter l'amertume aux marrons d'inde, & les faire servir de nourriture aux cochons & aux daims. Il fait emplir de marrons un vieux tonneau mal relié qu'on fait tremper pendant trois ou quatre jours dans une riviere: nulle autre préparation. Cependant on a vû des vaches & des poules manger de ce fruit dans son état naturel & malgré son amertume. Mais il y a lieu de croire que cette amertume fait un inconvénient, puisqu'on a remarqué que les poules qui mangeoient des marrons sans être préparés ne pondoient pas. Ce fruit peut servir à faire de très - bel amydon, de la poudre à poudrer, & de l'huile à brûler; il est vrai qu'on en tire peu & qu'elle rend une odeur insupportable. Mais sans qu'il y ait ce dernier inconvénient, un seul marron d'inde peut servir de lampe de nuit: il faut le peler, le faire secher, le percer de part en part avec une vrille moyenne, le faire tremper au moins vingt - quatre heures dans quelque huile que ce soit, y passer une petite meche, le mettre ensuite nager dans un vase plein d'eau, & allumer la méche le soir, on est assuré d'avoir de la lumiere jusqu'au jour. On en peut faire aussi une excellente pâte à décrasser les mains & les piés: il faut peler les marrons, les faire secher, les piler dans un mortier couvert, & passer cette poudre dans un tamis très - fin. Quand on veut s'en servir, on jette une quantité convenable de cette poudre dans de l'eau qui devient blanche, savonneuse & aussi douce que du lait; le fréquent usage en est très - salutaire, & la peau en contracte un lustre admirable. Voyez pour ces deux dernieres propriétés le Journal économique, Septembre 1752. Les marrons d'inde ont encore la propriété de savonner & blanchir le linge, de dégraisser les étoffes, de lessiver le chanvre, & on en peut faire, en les brûlant, de bonnes cendres pour la lessive. Voyez le Journal économique, Décembre 1757. Enfin, ils peuvent servir à échauffer les poëles, & les Maréchaux s'en servent pour guérir la pousse des chevaux: on fait grand usage de ce remede dans le Levant; c'est ce qui a fait donner au marronnier d'inde le nom latin hippocastanum, qui veut dire châtaigne de cheval. On prétend que l'écorce & le fruit de cet arbre sont un fébrifuge qu'on peut employer au lieu du quinquina dans les fievres intermittentes; on assure même que quelques médecins ont appliqué ce remede avec succès.

On ne connoît qu'une seule espece de marronnier d'inde, dont il y a deux variétés. L'une à feuilles panachées de jaune, & l'autre de blanc. Il est difficile de se procurer & de conserver ces variétés, car, quand on les greffe sur des marronniers vigoureux, il arrive souvent que les feuilles de la greffe perdent leur bigarrure en reprenant leur verdure naturelle:

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d'ailleurs on voit dans ces variétés plus que dans aucun autre arbre panaché, une apparence de foiblesse & de maladie qui en ôte l'agrément.

Marronnier à fleurs rouges, [Auteur: Daubenton, Pierre] (Page 10:146)

Marronnier à fleurs rouges, pavia, petit arbre qui nous est venu de la Caroline en Amérique, où on le trouve en grande quantité dans les bois. Quoiqu'il ait une très - grande ressemblance à tous égards avec le marronnier d'inde, si ce n'est qu'il est plus petit & plus mignon dans toutes ses parties, les Botanistes en ont cependant fait un genre différent du maronnier d'inde, par rapport à quelque différence qui se trouve dans les parties de sa fleur. Ce petit marronnier ne s'éleve au plus qu'à douze ou quinze piés: il fait une tige droite, une jolie tête; ses boutons sont jaunâtres en hiver sans être glutineux comme ceux du marronnier d'inde; la forme des feuilles est la même, mais elles sont plus petites, lisses, & d'un verd plus tendre. Ses fleurs sont d'une couleur rouge assez apparente, elles sont répandues autour d'une grappe moins longue, moins fournie que dans l'autre marronnier, mais elles paroissent un mois plus tard. Les fruits qui leur succedent sont de petits marrons d'une couleur jaune enfumée, & le brou qui leur sert d'enveloppe n'est point épineux. L'arbre en produit peu; encore faut - il que l'année soit favorable. Ce marronnier est robuste, & quoiqu'il soit originaire d'un climat plus méridional, nos fâcheux hivers ne lui causent aucun dommage. Il se plaît dans toutes sortes de terreins, il réussit même dans les terres un peu seches, il se multiplie aisément, & il n'exige qu'une culture fort ordinaire. On peut élever cet arbre de semences, de branches couchées, & par la greffe en approche ou en écusson sur le marronnier d'inde; la greffe en écusson réussit très - aisément, & souvent elle donne des fleurs dès la seconde année. Il faut le semer de la même façon que les châtaignes, il donnera des fleurs au bout de cinq ans. Les branches couchées se font au printems; elles font des racines suffisantes pour être transolantées l'automne suivante, si l'on a eu la précaution de les marcotter. Les arbres que l'on éleve de semence viennent plus vîte, sont plus grands & plus beaux, & donnent plus de fleurs & de fruits que ceux que l'on éleve des deux autres façons. Article de M. Daubenton, subdélegué.

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société de Gens de lettres (1751-1772)
Publié sous la direction de Diderot et d'Alembert
Scanné et mis au format électronique par l'Université de Chicago