Fumées
Le brouillard fondu
Prend les arbres nus
Dans sa molle haleine.
Le jardin frileux
Sous un voile bleu
Se devine à peine.
Le soleil blafard
Résout le brouillard
En perles d'eau blanche
Dont le tremblement
Miroite et s'étend
À toutes les branches.
*
L'azur d'un soir gris.
Un vague arc-en-ciel s'allonge et verdit
Sur la côte obscure ;
Sa courbe légère et rose grandit
De plus en plus pure.
À l'endroit où l'arc suave incliné
Rejoint la colline,
Les arbres d'hiver prennent sa clarté,
Dans leurs branches fines.
*
Un oiseau chante comme une eau
Sur des cailloux et des pervenches.
Quelle odeur de printemps s'épanche
De cette pure voix d'oiseau !
*
Le paysan vieux et cassé
Rejoint son obscure chaumine
Qui somnole sur la colline
Dans le velours tendre d'un pré.
Il voit d'en bas tourner le chien
Et la lueur d'un jeune pin
Se détacher doucement verte
Dans l'ombre de la porte ouverte.
*
L'homme et son fils menant leur vache d'un pas lourd
S'en vont sur le chemin luisant encor de pluie.
Un soleil velouteux et gris de petit jour
Enveloppe en rêvant la montagne endormie.
La vache dit adieu à son dernier matin :
Plus jamais le pré vert où sautait sa mamelle
Lourde et riche à plaisir d'un printanier butin.
Pourtant, que cette aurore a l'air d'être éternelle !
*
La lune pâ
Cécile Sauvage (20 juillet 1883 - 26
août 1927)
Fumées (1910))
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