Le Gland et la Citrouille
      

Dieu fait bien ce qu'il fait. Sans en chercher la preuve En tout cet univers, et l'aller parcourant, Dans les citrouilles je la treuve. Un villageois, considérant Combien ce fruit est gros et sa tige menue : « A quoi songeait, dit-il, l'auteur de tout cela ? Il a bien mal placé cette citrouille-là Hé parbleu ! je l'aurais pendue A l'un des chênes que voilà ; C'eût été justement l'affaire : Tel fruit, tel arbre, pour bien faire. C'est dommage, Garo, que tu n'es point entré Au conseil de celui que prêche ton curé : Tout en eût été mieux : car pourquoi, par exemple, Le gland, qui n'est pas gros comme mon petit doigt, Ne pend-il pas en cet endroit ? Dieu s'est mépris : plus je contemple Ces fruits ainsi placés, plus il semble à Garo Que l'on a fait un quiproquo. » Cette réflexion embarrassant notre homme : « On ne dort point, dit-il, quand on a tant d'esprit » Sous un chêne aussitôt il va prendre son somme. Un gland tombe : le nez du dormeur en pâJean de La Fontaine (1621-1695), Livre IX - Fable 4

voir toutes les fables de Jean de La Fontaine : lespassions.fr/lafontaine/