La branche d'amandier
     De l'amandier tige fleurie,
     Symbole, hélas ! de la beauté,
     Comme toi, la fleur de la vie
     Fleurit et tombe avant l'été.

     Qu'on la néglige ou qu'on la cueille,
     De nos fronts, des mains de l'Amour,
     Elle s'échappe feuille à feuille,
     Comme nos plaisirs jour à jour !

     Savourons ces courtes délices ;
     Disputons-les même au zéphyr,
     Épuisons les riants calices
     De ces parfums qui vont mourir.

     Souvent la beauté fugitive
     Ressemble à la fleur du matin,
     Qui, du front glacé du convive,
     Tombe avant l'heure du festin.

     Un jour tombe, un autre se lève ;
     Le printemps va s'évanouir ;
     Chaque fleur que le vent enlève
     Nous dit : Hâtez-vous de jouir.

     Et, puisqu'il faut qu'elles périssent,
     Qu'elles périssent sans retour !
     Que ces roses ne se flétrissent
     Que sous les lèvres de l'amour !
	 

Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Recueil : Nouvelles méditations poétiques