Rétrospective Sisley, 1897
Georges Petit acceuille dans sa galerie en février 1897 une rétrospective
de l'uvre de Sisley.
En préface du catalogue, L. Roger-Miles loue l'art du paysagiste
et s'arrête longuement sur son talent à personnaliser les arbres
(p.17-20) :
« II [Sisley] nous enseigne, dans ses toiles, d'une si éclatante
sérénité, le poème de l'eau, des arbres et du
ciel, dans la nature l'eau exprime la vie dans l'étendue ; l'arbre
l'exprime dans le temps.
Dans ses toiles, Sisley, pas plus que Corot, ne fait le portrait d'un arbre
; pourtant il les connaît tous ; il les a tous étudiés
; il en a fait l'anatomie ; mais ce qu'il nous donne, ce sont des harmonies
d'arbres dans la nature ; ce sont des éléments essentiellement
variés où s'inscrivent les saisons et les heures, avec le
chromatisme spécial des frondaisons.
Et c'est à nous, qui regardons les uvres, c'est à nous
qu'il appartient d'étiqueter les essences ; là, le peuplier,
plein de noblesse, avec sa tête pyramidale, qui semble une pensée
prenant son vol vers le ciel ; ici, l'orme, aux branches rabougries, à
la carrure énergique, à l'écorce noueuse et grise,
au tronc où l'âge a creusé des déchirures et
des cavernes ; plus loin, le marronnier, grand et placide, solidement assis
sur des racines apparentes multipliées ; le chêne, plein de
superbe et de majesté, vieillard hautain, dont le balancement des
feuilles a de murmurantes tendresses, et le hêtre, et l'acacia, et
le saule qui pleure, et tant d'autres, dont les masses légères
forment le chur aux sonorités éclatantes ou étouffées,
suivant qu'ils apparaissent le long d'une rivière, dans les premiers
plans, ou qu'ils s'étagent sur le flanc d'une colline jusqu'à
l'horizon.
« Sisley les a notés, tous ces géants ; il a analysé
leurs sèves, et il a trouvé sur sa palette, pour les figurer,
des bleus profonds et des vieux ors, entre lesquels s'étendent toutes
les gammes de leurs chansons multiples »
|