Cette complexité du Bois de Boulogne qui en fait
un lieu factice et, dans le sens zoologique ou mythologique du mot, un jardin,
je l'ai retrouvée cette année comme je le traversais pour
aller à Trianon, un des premiers matins de ce mois de novembre où,
à Paris, dans les maisons, la proximité et la privation du
spectacle de l'automne qui s'achève si vite sans qu'on y assiste,
donnent une nostalgie, une véritable fièvre des feuilles mortes
qui peut aller jusqu'à empêcher de dormir. (
) C'était
l'heure et c'était la saison où le Bois semble peut-être
le plus multiple, non seulement parce qu'il est le plus subdivisé,
mais encore parce qu'il l'est autrement. Même dans les parties découvertes
où l'on embrasse un grand espace, ça et là, en face
des sombres masses lointaines des arbres qui n'avaient pas de feuilles ou
qui n'avaient pas encore leurs feuilles de l'été, un double
rang de marronniers orangés semblaient, comme dans un tableau à
peine commencé, avoir seul encore été peint par le
décorateur qui n'aurait pas mis de couleur sur le reste, et tendait
son allée en pleine lumière pour la promenade épisodique
de personnages qui ne seraient ajoutés que plus tard. Marcel Proust, À la recherche du temps perdu. |