Dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres (Page 3:283)
CHÉNE, s. m. quercus, (Hist. nat. Bot.) genre d'arbre
qui porte des chatons composes de sommets attachés en grand nombre
à un petit filet. Les embryons naissent séparément des fleurs
sur le même arbre, & deviennent dans la suite un gland enchasle
dans une espece de coupe, & qui renferme un noyau que l'on
peut séparer en deux parties. Ajoûtez aux caracteres de ce genre
que les feuilles sont découpées en sinus assez profonds. Tournesort,
Inst. herb. Voyez Plante.(I)
Le chéne est le premier, le plus apparent, & le plus
beau de tous les végétaux qui croissent en Europe. Cet arbre naturellement
si renommé dans la haute antiquité; si chéri des nations Greques
& Romaines, chez lesquelles il était consacré au pere des
dieux, si célebre par le sacrifice de plusieurs peuples; cet arbre
qui a fait des prodiges, qui a rendu des oracles, qui a reçû tous
les honneurs des mysteres fabuleux, fut aussi le frivole objet
de la veneration de nos pêres, qui fausseraent diriges par des
druides trompeurs, ne rendoient aucun culte que sous les auspices
du gui sacré: mais ce même arbre, considéré sous
des vûes plus saines, ne sera plus à nos yeux qu'un simple objet
d'utilite; il méritera à cet egard quelques éloges, bien moins
releves, il est vrai, mais beaucoup mieux fondes.
En effet, le chéne est le plus grand, le plus durable,
& le plus utile de tous les arbres qui se trouvent dans les
bois; il est généralement répandu dans les climats temperés, où
il fait le fondement & la meilleure essence des plus belles
forêts. Cet arbre est si universellement connu, qu'il n'a pas
besoin des secours équivoques de la Botanique moderne pour se
faire distinguer; il s'annonce dans un âge fait, par une longue
tige, droite, & d'une grosseur proportionnée à sa hauteur,
qui surpasse ordinairement celle de tous les autres arbres. Sa
feuille se fait remarquer sur - tout par sa configuration particuliere;
elle est oblongue, plus large à son extremite, & decoupée
dans les bords par des sinuosités arrondies en - dehors
& en - dedans, qui ne sont constantes ni dans leur nombre,
ni dans leur grandeur, ni dans leur position. Comme cet arbre
est un peu lent à croître, il vit aussi fort long - tems, &
son bois est le plus durable de tous, lorsqu'il est employé,
soit à l'air, soit à l'abri, dans la terre, & même dans l'eau,
où on ne compte sa duree que par un nombre de siecles. Le chéne,
par rapport à la masse, au volume, à la force, & à la duree
de son bois, tient donc le premier rang parmi les arbres forestiers,
c'est en effet la meilleure essence de bois qu'on puisse employer
pour des plantations de taillis & de futaie. Dans un terrein
gras il prend trois pies de tour en trente ans; il croît
plus vite alors, & il fait ses plus grands progrès jusqu'à
quarante ans. Comme l'exposition & la qualite du terrein decident
principalement du succès des plantations, voici sur ce [p. 284]
point essentiel des observations à l'égard du chêne.
Exposition. Terrein. Presque toutes les expositions, tous
les terreins conviennent au chêne; le fond des vallées,
la pente des collines, la crête des montagnes, le terrein sec
ou humide, la glaise, le limon, le sable; il s'établit par - tout:
mais il en résulte de grandes différences dans son accroissement
& dans la qualité de son bois. Il se plaît & il réussit
le mieux dans les terres douces, limonneuses, profondes, &
fertiles; son bois alors est d'une belle venue, bien franc, &
plus traitable pour la fente & la Menuiserie: il profite très
- bien dans les terres dures & fortes, qui ont du fond, &
même dans la glaise; il y croît lentement, à la vérité, mais le
bois en est meilleur, bien plus solide & plus fort: il s'accommode
aussi des terreins sablonneux, cretassés ou graveleux, pourvû
qu'il y ait assez de profondeur: il y croît beaucoup plus vîte
que dans la glaise; & son bois est plus compacte & plus
dur; mais il n'y devient ni si gros ni si grand. Il ne craint
point les terres grasses & humides, où il croît même très
- promptement; mais c'est au desavantage du bois, qui étant trop
tendre & cassant, n'a ni la force, ni la solidité requise
pour la charpente; il se rompt par son propre poids lorsqu'il
y est employé. Si le chêne se trouve au contraire sur les
crêtes des montagnes, dans des terres maigres, seches ou pierreuses,
où il croît lentement, s'éleve, peut & veut être coupé souvent;
son bois alors étant dur, pesant, noueux, on ne peut guere l'employer
qu'en charpente, & à d'autres ouvrages grossiers. Enfin cet
arbre se refuse rarement, & tout au plus dans la glaise trop
dure, dans les terres basses & noyées d'eau, & dans les
terreins si secs & si legers, si pauvres & si superficiels,
que les arbrisseaux les plus bas n'y peuvent croître; c'est même
la meilleure indication sur laquelle on puisse se regler lorsqu'on
veut faire des plantations de chêne: en voici la direction.
Plantations. Si nous en croyons les meilleurs auteurs
Anglois qui ayent traité cette matiere, Evelyn, Hougton, Laurence,
Mortimer, & sur - tout M. Miller qui est entré dans un grand
détail sur ce point; il faudra de grandes précautions, beaucoup
de culture & bien de la dépense pour faire des plantations
de chênes. Cependant, comme les Anglois se sont occupés,
avant nous, de cette partie de l'agriculture, parce qu'ils en
ont plûtôt senti le besoin, & que M. Miller a rassemblé dans
la sixieme édition de son dictionnaire, tout ce qui paroît y avoir
du rapport, j'en vais donner un précis. Après avoir conseillé
de bien enclorre le terrein par des hayes pour en défendre l'entrée
aux bestiaux, aux lievres & aux lapins, qui sont les plus
grands destructeurs des jeunes plantations; l'auteur Anglois recommande
de préparer la terre par trois ou quatre labours, de la bien herser
à chaque fois, & d'en ôter toutes les racines des mauvaises
herbes; il dit que si le terrein étoit inculte, il seroit à propos
d'y faire une récolte de légume, avant que d'y semer le gland:
qu'il faut préférer celui qui a été recueilli sur les arbres les
plus grands & les plus vigoureux, sur le fondement que les
plants qui en proviennent profitent mieux, & qu'on doit rejetter
le gland qui a été pris sur les arbres dont la tête est fort étendue,
quoique ce soit celui qui leve le mieux. On pourra semer le gland
en automne ou au printems; suivant notre auteur, le meilleur parti
sera de le semer aussi - tôt qu'il sera mûr, pour éviter l'inconvénient
de rompre les germes en le mettant en terre au printems, après
l'avoir conservé dans du sable. Pour les grandes plantations on
fera avec la charrue des sillons de quatre piés de distance, dans
lesquels on placera les glands à environ deux pouces d'intervalle;
& si le terrein a de la pente, il faudra diriger les sillons
de façon à ménager l'humidité, ou à s'en débarrasser selon que
la qualité du terrein l'exigera. Il faudra ensuite recouvrir exactement
les glands, de crainte que ceux qui resteroient découverts, n'attirassent
les oiseaux & les souris qui y feroient bien - tôt un grand
ravage. L'auteur rend raison des quatre piés de distance qu'il
conseille de donner aux sillons; c'est, dit - il, afin de pouvoir
cultiver plus facilement la terre entre les rangées, & nettoyer
les jeunes plants des mauvaises herbes; sans quoi on ne doit pas
s'attendre que les plantations fassent beaucoup de progrès. Les
mauvaises herbes qui dominent bien - tôt sur les jeunes plants,
les renversent & les étouffent, ou du moins les affament en
tirant les sucs de la terre. C'est ce qui doit déterminer à faire
la dépense de cultiver ces plantations pendant les huit ou dix
premieres années. Les jeunes plants, continue notre auteur, leveront
sur la fin de Mars ou au commencement d'Avril; mais il faudra
les sarcler même avant ce tems là, s'il en étoit besoin, &
répeter ensuite cette opération aussi souvent que les herbes reviennent,
en sorte que la terre s'en trouve nettoyée, jusqu'à ce que tous
les glands soient levés & qu'on puisse les appercevoir distinctement;
auquel tems il sera à propos de leur donner un labour avec la
charrue entre les rangées, & même une legere culture à la
main dans les endroits où la charrue ne pourroit atteindre sans
renverser les jeunes plants. Quand ils auront deux ans, il faudra
enlever ceux qui seront trop serrés, & donner à ceux qui resteront
un pié de distance, qui suffira pour les laisser croître pendant
deux ou trois ans; après lesquels on pourra juger des plants qui
pourront faire les plus beaux arbres, & faire alors un nouveau
retranchement qui puisse procurer aux plants quatre piés de distance
dans les rangées; ce qui leur suffira pour croître pendant trois
ou quatre ans; auquel tems si la plantation a fait de bons progrès,
il sera a propos d'enlever alternativement un arbre dans les rangées;
mais notre auteur ne prétend pas qu'il faille faire cette réforme
si régulierement qu'on ne puisse pas excéder ou réduire cette
distance, en laissant par préférence les plants qui promettent
le plus; il ne propose même cet arrangement que comme une regle
générale qu'on ne doit suivre qu'autant que la disposition &
le progrès de la plantation le permettent. Quand par la suite
les plants auront encore été réduits dans leur nombre, & portés
à environ huit piés de distance, ils ne demanderont plus aucun
retranchement; mais après deux ou trois ans, il sera à propos
de couper pour en faire des sepées de taillis, les plants qui
paroîtront les moins disposés à devenir futaye, & qui se trouveront
dominés par les arbres destinés à rester. C'est l'attention qu'on
doit avoir toutes les fois qu'on fait quelque réforme parmi les
arbres, avec la précaution de ne dégarnir que par dégrés &
avec beaucoup de ménagement les endroits fort exposés aux vents,
qui y feroient de grands ravages & retarderoient l'accroissement.
L'auteur Anglois voudroit qu'on donnât vingt - cinq à trente piés
de distance aux arbres qu'on a dessein d'élever en futaie; ils
pourront jouir en ce cas de tout le bénéfice du terrein; ils ne
seront pas trop serrés, même dans les endroits où ils réussissent
bien; leurs têtes ne se toucheront qu'à trente ou trente - cinq
ans; & il n'y aura pas assez d'éloignement pour les empêcher
de faire des tiges droites. Mais après une coupe ou deux du taillis,
notre auteur conseille d'en faire arracher les souches, afin que
tous les sucs de la terre puissent profiter à la futaie: la raison
qu'il en apporte, est que le taillis ne profite plus, dès qu'il
est dominé par la futaye qui en souffre également; car on gâte
souvent l'un & l'autre, en voulant ménager le taillis dans
la vûe d'un profit immédiat. [p. 285]
Toute cette suite de culture méthodique peut être fort bonne
pour faire un canton de bois de vingt ou trente arpens, encore
dans un pays où le bois seroit tres - rare, & tout au plus
aux environs de Paris où il est plus cher que nulle part dans
ce royaume: mais dans les provinces, la dépense en seroit énorme
pour un canton un peu considérable. J'ai vû que pour planter en
Bourgogne, dans les terres de M. de Buffon, un espace d'environ
cent arpens, où il commença à suivre exactement la direction dont
on vient de voir le précis, une somme de mille écus ne fut pas
suffisante pour fournir aux frais de plantation & de culture
pendant la premiere année seulement: qu'on juge du résultat de
la dépense, si l'on avoit continué la même culture pendant huit
ou dix ans, comme M. Miller le conseille; le canton des plantations
en question auroit couté six fois plus cher qu'un bois de même
étendue qu'on auroit acheté tout venu & prêt à couper dans
un terrein pareil: encore la plantation n'a - t - elle pas pleinement
réussi par plusieurs inconvéniens auxquels une culture plus longue
& plus assidue n'auroit pas rémédié. Un de ces inconvéniens,
c'est de nettoyer le terrein des ronces, épines, genievres, bruyeres,
&c. Un plus grand oeuvre, qui le croiroit, c'est de donner
plusieurs labours à la terre; cette opération coûteuse sert, on
en convient, à faire bien lever le gland, mais elle tourne bien
- tôt contre son progrès: les mauvaises herbes qui trouvent la
terre meuble, la couvrent au - dehors, & la remplissent de
leurs racines au - dedans; on ne peut guere s'en débarrasser sans
déranger les jeunes plants, parce qu'il faut y revenir souvent
dans un terrein qu'on commence à mettre en culture. Mais d'ailleurs,
plus la terre a été remuée, plus elle est sujette à l'impression
des chaleurs, des sécheresses & sur - tout des gelées du premier
hyver, qui déracinent les jeunes plants, & leur font d'autant
plus de dommage que la plantation se trouve mieux nettoyée &
découverte. Le printems suivant y fait appercevoir un grand dépérissement;
la plûpart des jeunes plants se trouvent flétris & desséchés;
d'autres fort languissans; & ceux qui se sont soûtenus, auront
encore infiniment à souffrir, malgré tous les efforts de la culture
la plus suivie, qui n'accelerent point le progrès dans les terres
fortes & glaireuses, dures ou humides. En essayant au contraire
à faire dans un pareil terrein des plantations par une méthode
toute opposée, M. de Buffon a éprouvé des succès plus satisfaisans,
& peut - être vingt fois moins dispendieux, dont j'ai été
témoin. Ce qui fait juger que dans ces sortes de terreins comme
dans ceux qui sont legers & sablonneux, où il a fait aussi
de semblables épreuves, on ne réussit jamais mieux pour des plantations
en grand, qu'en imitant de plus près la simplicité des opérations
de la nature. Par son seul procédé, les bois, comme l'on sçait,
se sement & se forment sans autre secours; mais comme elle
y employe trop de tems, il est question de l'accélérer: voici
les moyens d'y parvenir: ménager l'abri, semer abondamment &
couper souvent; rien n'est plus avantageux à une plantation que
tout ce qui peut y faire du couvert & de l'abri; les genets,
le jonc, les épines & tous les arbrisseaux les plus communs
garantissent des gelées, des chaleurs, de la secheresse, &
sont une aide infiniment favorable aux plantations. On peut semer
le gland de trois façons; la plus simple & peut - être la
meilleure dans les terreins qui sont garnis de quelques buissons,
c'est de cacher le gland sous l'herbe dont les terres fortes sont
ordinairement couvertes; on peut aussi le semer avec la pioche
dont on frappe un coup qui souleve la terre sans la tirer dehors,
& laisse assez d'ouverture pour y placer deux glands; ou enfin
avec la charrue en faisant des sillons de quatre piés en quatre
piés, dans lesquels on répand le gland avec des graines d'arbrisleaux
les plus fréquens dans le pays, & on recouvre le tout par
un second sillon. On employe la charrue dans les endroits les
plus découverts; on se sert de la pioche dans les plants impraticable
à la charrue, & on cache le gland sous l'herbe autour des
buissons. Nul autre soin ensuite que de garantir la plantation
des approches du bétail, de repiquer des glands avec la pioche
pendant un an ou deux dans les plants où il en aura trop manqué,
& ensuite de receper souvent les plants languissans, rassaux,
étiolés ou gelés, avec ménagement cependant, & l'attention
sur - tout de ne pas trop dégarnir la plantation, que tout voisinage
de bois, de hayes, de buissons favorise aussi. Voyez dans les
Mémoires de l'académie des Sciences, celui de M. de Buffon
sur la culture & le rétablissement des forêts, année 1739.
On pourroit ajoûter sur cette matiere des details interessans
que cet ouvrage ne permet pas. J'appuierai seulement du témoignage
de Bradley cette méthode aussi simple que facile, qui a réussi
sous mes yeux: « Pour éviter, dit - il, la dépense de sarecler
les plantations, on en a fait l'essai sur des glands qui avoient
été semés; & les herbes, loin de faire aucun mal, ont défendu
les jeunes chênes contre les grandes sécheresses, les grandes
gelées, &c.». Je citerai encore Ellis, autre auteur
Anglois plus moderne, qui assûre qu'il ne faut pas sarcler une
plantation ou un semis de chênes. Ces auteurs auroient
pû dire de plus, que non - seulement on diminue la dépense par
- là, mais même que l'on accélere l'accroissement, surtout dans
les terreins dont nous venons de parler.
A tous égards, l'automne est la saison la plus propre à semer
le gland, même aussi - tôt qu'il est mûr; mais si l'on avoit des
raisons pour attendre le printems, il faudroit le faire passer
l'hyver dans un conservatoire de la façon qu'on l'a expliqué au
mot Châtaigner; & ensuite le semer aussi - tôt que
la saison pourra le permettre, sans attendre qu'il soit trop germé;
ce qui seroit un grand inconvénient.
Le chêre peut aussi se multiplier de branches couchées,
qui ne font pas de si beaux arbres que ceux venus de gland; &
par la greffe, sur des arbres de son espece; mais on ne se sert
guere de ces moyens que pour se procurer des especes curieuses
& étrangeres.
Transplantation. Il y a quelques observations à faire
sur la transplantation de cet arbre, qui ne gagne jamais à cette
opération; il y résiste mieux à deux ans qu'à tout autre âge,
par rapport au long pivot qu'il a toûjours, & qui le prive
ordinairement de racines latérales: d'où il suit que, quand on
se propose d'employer le chêne en avenues ou autres usages
semblables, il faut avoir la précaution de le transplanter plusieurs
fois auparavant afin qu'il soit bien enraciné. On ne doit jamais
l'étêter en le transplantant; c'est tout ce qu'il craint le plus,
mais seulement retrancher ses principales branches: on ne doit
même s'attendre ensuite qu'à de petits progrès, & rarement
à voir de beaux arbres.
Usages du bois. Nul bois n'est d'un usage si général que
celui du chêne; il est le plus recherché & le plus
excellent pour la charpente des bâtimens, la construction des
navires; pour la structure des moulins, des pressoirs, pour la
menuiserie, le charronnage, le mairrain; pour des treillages,
des échalas, des cercles; pour du bardeau, des éclisses, des lattes,
& pour tous les ouvrages où il faut de la solidité, de la
force, du volume, & de la durée; avantages particuliers au
bois de chêne, qui l'emporte à ces égards sur tous les
autres bois que nous avons en Europe. Sa solidité répond de celle
de toutes les constructions dont il forme le corps principal;
sa force le rend capable de soûtenir de pesans fardeaux [p.
286] dont la moitié feroit fléchir la plûpart des
autres bois; son volume ne le cede à nul autre arbre, & sa
durée va jusqu'à six cents ans, sans alteration, lorsqu'il est
à couvert des injures de l'air: la seule condition que ce bois
exige, est d'être employé bien sec & saisonné, pour l'empêcher
de se fendre, de se tourmenter, & de se décomposer; précaution
qui n'est plus nécessaire, quand on veut le faire servir sous
terre & dans l'eau en pilotis, où on estime qu'il dure quinze
cents ans, & où il se pétrifie plus ordinairement qu'aucun
autre bois. Quand on est forcé cependant d'employer à l'air du
bois verd, sans avoir le tems de le faire saisonner, on peut y
suppléer en faisant tremper ce bois dans de l'eau pendant quelque
tems. Ellis en a vû une épreuve qu'il rapporte: « Un plancher
qui avoit été fait de planches de chêne, qu'on avoit fait
tremper dans l'eau d'un étang, se trouva fort sain au bout de
quatorze ans, tandis qu'un autre plancher tout voisin, fait de
mêmes planches, mais qui n'avoient pas été mises dans l'eau, étoit
pourri aux côtés & aux extrémités des planches ». C'est aussi
l'un des meilleurs bois à brûler & à faire du charbon. Les
jeunes chênes brûlent & chauffent mieux, & font
un charbon ardent & de durée; les vieux chênes noircissent
au feu; & le charbon qui s'en va par écailles, rend peu de
chaleur, & s'éteint bientôt; & les chênes pelards,
c'est - à - dire dont on a enlevé l'écorce sur pié, brûlent assez
bien, mais rendent peu de chaleur.
Aubier du bois. On distingue dans le bois du chêne
l'aubier & le coeur: l'aubier est une partie de bois qui environne
le tronc à l'extérieur, qui est composé de douze ou quinze cercles
ou couches annuelles, & qui a ordinairement un pouce &
demi d'épaisseur, quand l'arbre a pris toute sa grosseur: l'aubier
est plus marqué & plus épais dans le chêne, que dans
les autres arbres qui en ont un, & il est d'une couleur différente
& d'une qualité bien inférieure à celle du cour du bois:
l'aubier se pourrit promptement dans les lieux humides; &
quand il est placé séchement, il est bien - tôt vermoulu, &
il corrompt tous les bois voisins; aussi fait - il la plus grande
défectuosité du bois de chêne; & il est défendu aux
ouvriers par leurs statuts d'employer aucun bois où il y ait de
l'aubier. Mais on peut corriger ce défaut, & donner à l'aubier
presque autant de solidité, de force, & de durée, qu'en a
le coeur du bois de chêne: « Il ne faut pour cela,
dit M. de Buffon, qu'écorcer l'arbre du haut en - bas, & le
laisser sécher entierement sur pié avant de l'abattre »; &
par les épreuves qu'il a faites à ce sujet, il résulte que « le
bois des arbres écorcés & sechés sur pié, est plus dur, plus
solide, plus pesant, & plus fort que le bois des arbres abattus
dans leur écorce ». Voyez les mémoires de l'académie des Sciences,
année 1738.
Ecorce. On fait aussi usage de l'écorce du chêne:
les Tanneurs l'employent à façonner les cuirs; mais l'écorce n'est
pas l'unique partie de l'arbre qui ait cette propriéte. M. de
Buffon, par les épreuves qu'il a fait faire sur des cuirs, &
dont il a été fait mention dans les mémoires de l'académie, s'est
assûré que le bois du chêne a la même qualité, avec cette
différence pourtant, que l'écorce agit plus fortement sur les
cuirs que le bois, & le coeur du bois moins que l'aubier.
On appelle tan l'écorce qui a passé les cuirs, & qui
alors n'est pas tout - à - fait inutile; le tan sert à faire des
couches dans les serres chaudes & sous des chassis de verre,
pour élever & garantir les plantes étrangeres & délicates.
Gland. Il y a du choix à faire & des précautions à
prendre pour la récolte du gland, lorsqu'on veut faire des plantations.
Si nous en croyons Evelyn, « il faut que les glands soient parfaitement
murs, qu'ils soient sains & pesans; ce qui le reconnoit, lorsqu'en
secouant doucement les rameaux, le gland tombe: il ne faudra cueillir
que vers la fin d'Octobre, ou au commencement de Novembre, ceux
qui ne tomberont pas aisement; & il faut ramasser sur le champ
celui qui tombe de lui - méme; mais toujours le prendre par preference
sur le sommet des arbres les plus beaux, les plus jeunes, &
les plus vigoureux, & non pas comme l'on fait ordinairement,
sur les arbres qui en portent le plus ». On peut ajoûter aux enconstances
qui doivent contribuer au choix du gland, celle de sa grosseur;
parce qu'en effet, c'est la plus belle espece de chêne
qui produit le gros gland à longue queue, & qu'il est probable
que ce gland produira des arbres de même espece. Ce fruit est
aussi de quelque utilité; il sert à nourrir les bêtes sauves,
à engraisser les cochons; & il est aussi fort bon pour la
volaille.
Gui de chêne. On attribuoit autrefois de grandes vertus
à cette plante parasite, lorsqu on la trouvoit sur le chêne.
Les druides faisoient accroire qu'il fécondoit les animaux, &
que c'etoit un fameux contre - poison; on lui en attribue encore
quelques - unes en Medecine, & il est recherché dans les Arts
pour sa dureté & pour la beauté de ses veines. Quoi qu'il
en soit, on trouve très - rarement du gui sur le chêne;
& cette rareté pourroit bien être son seul mérite: nous n'en
pouvons que trop juger par bien des choses que l'on voit tous
les jours prendre faveur par ce seul titre.
Excrescences. Le chêne est peut - être de tous
les arbres celui qui est le plus sujet à être attaqué par différentes
especes d'insectes: ils font des excrescences de toutes sortes,
sur les branches, le gland, les feuilles, & jusque sur les
filets des chatons, où quelquefois le travail des insectes forme
de ces excrescences qui imitent si bien une grappe de groseille
rougeâtre, que bien des gens s'y trompent de loin. Les insectes
forment aussi sur certaines especes de chêne des gales
dont on tire quelque service dans les Arts. Cette défectuosité,
aussi bien que l'irrégularité de la tête de l'arbre, & la
lenteur de ses progrès après la transplantation, peuvent bien
être les vraies causes de ce que l'on fait si peu d'usage du chêne
pour l'ornement des jardins.
Especes. Il y a des chênes de bien des especes;
les Botanistes en comptent au moins quarante, qui ne sont pour
la plûpart ni répandus, ni fort connus: on doit y avoir d'autant
moins de regret, que nos chênes communs valent beaucoup
mieux pour la qualité du bois, que tous ceux qui ont été découverts
dans le Levant & en Amérique; il faut cependant convenir que
les chênes d'Amérique ont plus de variété & d'agrément
que les autres.
1. Le chêne à gros gland. Celui que C. Bauhin appelle
chêne à long pédicule, est le plus grand & le plus
beau de tous les chênes qui croissent en Europe. On le
distingue dans son jeune âge par son écorce qui est vive, luisante
& unie, d'une couleur d'olive rembrunie, irrégulierement entre
- mêlée, avec une couleur de cendre claire: ses feuilles sont
plus grandes, & ont le pédicule plus long que dans les autres
especes; le gland est aussi plus gros & plus long; l'arbre
le produit sur un pédicule de la longueur du doigt, qui souvent
n'en porte qu'un seul, & quelquefois jusqu'à trois. Son bois
est franc, d'un bel oeil, & de la meilleure qualité.
2. Le chêne à gland moyen, désigné par le même botaniste
sous la phrase de chêne mâle à pédicule court. Cet arbre
dans toutes ses parties est subordonné à la premiere espece; sa
feuille est moins grande, son gland est plus petit, plus rond,
& a le pédicule [p. 287]
de plus court, l'arbre même est d'une stature un peu moindre:
il se sait remarquer sur - tout dans sa jeunesse par la couleur
de son écorce, qui imite çelle d'une peau d'oignon, & qui
est entre - mélée de parties blanchatres. Le bois de cet arbre
est solide, tort, & de bonne qualité.
3. Le chêne à petit gland que le nomenclature cité appelle le
chêne semelle. On reconnoit aisément cet arbre, à ce que son écorce
est inegale, & qu'avant qu'il soit même parvenu à la grosseur
du bras, elle est aussi crevassée & raboteuse que celle des
vieux arbres: ses feuilles plus petites que dans les especes precédentes,
n'ont point de pedicule; le gland, qui est aussi bien plus petit
& rond, tient immédiatement à la branche; l'arbre s'éleve
& grossit moins; son bois est dur, rebours, & de mauvaise
sente: il semble à tous égards que la nature ait épargné sur cette
espece, ce qu'elle a prodigue en faveur de la premiere.
4. Le chêne a feuilles panachées. C'est une variété que
le hasard a fait rencontrer, mais que l'on peut cependant multiplier
par la greffe en sente ou en écusson sur les especes communes.
Ses feuilles sont généralement panachées de blanc, & d'une
tres belle facon; aussi cet arbre est - il fort estimé des curieux
qui aiment les plantes panachées.
5. Le chêne toûjours verd. Cet arbre croît naturellement
en Espagne, entre Cadix & Gibraltar; mais on le trouve rarement
à présent parmi les collections d'arbres, même les plus recherchées
& les plus completes. On fait cependant qu'il est assez robuste;
il faut donc qu'il soit difficile à élever. Au reste on ne doit
pas confondre cette espece de chêne avec ce que nous appellons
le chêne - verd, qui est un arbre tout différent.
6. Le chêne cerrus. Quoique cet arbre soit originaire
d'Espagne, d'Italie, & des provinces méridionales de ce royaume,
il est cependant assez robuste pour résister parfaitement au froid
des climats septentrionaux: sa feuille ressemble à celle du chêne
commun, si ce n'est qu'elle est plus longue, & que les sinuosités
qui l'environnent sont plus étroites & plus profondes: son
gland est fort amer, & il est presqu'eutierement engagé dans
une calote qui est entourée de follicules pointus & de couleur
cendrée: on s'en sert au lieu de galle pour teindre les draps
en noir, mais la teinture n'en est pas si - bonne. C'est une des
plus belles especes de chêne, & en général il a le
port & à - peu - pres la hauteur du chêne commun.
7. Le petit chêne, cerrus. Son gland est plus petit que
celui de l'espece précédente. Ce petit arbre est peu connu.
8. Le petit chêne portant plusieurs galles jointes ensemble.
Ce n'est qu'un arbrisseau, dont on ne sait rien d'intéressant.
9. Le chêne, esculus. Ce petit arbre auquel on a conservé
le nom que Pline le naturaliste lui avoit donné, croît en Grece
& en Dalmatie.
10. Le chêne de Bourgogne. C'est un grand arbre qui croît
naturellement en Franche - Comté, & qui est sur - tout remarquable
par le calice de son gland, qui est hérissé de pointes assez longues,
mais foibles; du reste l'arbre est assez ressemblant au chêne
commun.
11. Le chêne nain. C'est un très - petit arbrisseau, que
j'ai vû s'élever tout au plus à trois piés en 15 ans de tems,
dans un terrein cultivé: mais dans les campagnes où il croît naturellement,
il est si bas que rarement il a plus d'un pié: ses feuilles sont
plus douces & un peu plus grandes que celles de nos chênes
communs; le calice du gland est plus plat, & ce gland est
très - amer.
12. Le chêne rouvre. Il prend autant de hauteur que nos
chênes communs. Il croît en plusieurs provinces de ce royaume,
& on le trouve fréquemment aux Aubigny: sa feuille le fait
distinguer principalement par une espece de duvet qui la couvre,
son gland est si fort enveloppé dans le calice, qu'il ne mûrit
pas bien en Angleterre dans les années humides.
13. Le petit chêne rouvre. Il differe du précédent par
sa stature qui est inférieure, & par sa feuille qui est garnie
de petites pointes.
14. Le chêne rouvre portant galles. C'est un petit arbre
qui croît dans la Pannonie & dans l'Istrie, & sur lequel
on trouve la noix de galle dont on fait usage pour la teinture.
15. Le chêne rouvre a feuilles lices. On trouve la noix
de galle sur cet arbre, qui differe des trois précédens par ses
feuilles qui n'ont point de duvet.
16. Le chêne à gros gland, dont le calice est tout couvert
de tubercules. Ce n'est qu'une variété, qui est plus rare
qu'intéressante.
17. Le chêne d'Orient à gland cylindrique, avec un long pédicule.
C'est un petit arbre très - rare.
18. Le chêne d'Orient à feuilles de chátaigner. C'est
un arbre de hauteur moyenne, dont le gland est renfermé dans un
calice épais & écailleux.
19. Le chêne d'Orient à très - gros gland, dont le calice
est hérissé de filets. C'est un grand arbre peu connu.
20. Le chêne d'Orient à feuilles étroites & à petit gland,
avec un calice hérissé de pointes. Cet arbre est de petite
stature.
21. Le chêne d'Orient à très - gros gland, & à feuilles
agréablement découpées. Le calice du gland est aussi hérissé
de filets. Cet arbre ne s'éleve qu'à une moyenne hauteur.
22. Le chêne d'Orient à petites feuilles arrondies, &
à gland cannelé. Cet arbre s'éleve peu.
23. Le chêne d'Orient à gland cylindrique, & à feuilles
arrondies, legerement découpées. Cet arbre prend peu de hauteur.
Ces sept dernieres especes de chêne ont été découvertes
dans le Levant par Tournefort, & y ont été retrouvées depuis,
suivant le témoignage de M. Miller, par quelques voyageurs, qui
en ont rapporté des glands en Angleterre, où trois de ces especes
ont reussi, & paroissent aussi robustes que nos chênes
communs. Quoi qu'il en soit, ces arbres sont encore très - rares,
& très - peu connus.
24. Le chêne rouge de Virginie. Il croît plus promptement
que le chêne commun, & il fait un gros arbre en peu
d'années: sa feuille a moins de sinuosités que n'en ont celles
de nos chênes, & les angles du dehors qui sont plus
grands se terminent en pointes: la queue de cette feuille est
toûjours rougeâtre, & ce n'est qu'en automne que toute la
feuille prend aussi cette couleur. Cet arbre est délicat dans
sa jeunesse; j'ai vû que les hyvers rigoureux ont constamment
fait périr les plants d'un an & de deux ans, dans les terreins
secs comme dans ceux qui étoient un peu humides. Le bois de cet
arbre a des veines rouges.
25. Le chêne de Virginie à feuilles de chátaigner. Il
croît aussi vîte, & devient aussi gros que le précédent. Il
ne vient à la Virginie que dans des fonds, & dans les bons
terreins: c'est le plus gros des chênes qui croissent dans
l'Amérique: l'écorce en est blanche & écaillée; le grain du
bois n'est pas beau, quoiqu'on s'en serve beaucoup pour la charpente;
les feuilles sont larges & dentelées comme celles du châtaigner.
Il n'y a point d'autre chêne qui produise des glands aussi
gros que celui - ci. Catesby.
26. Le chêne blanc de Virginie. C'est celui qui ressemble
le mieux au chêne commun d'Angleterre, à la figure de ses
feuilles, à ses glands, & à sa maniere de croître: son écorce
est blanchâtre, le grain de [p. 288] son bois fin; & c'est pour cela,
aussi - bien que pour sa durée, qu'on le regarde à la Caroline
& à la Virginie comme la meilleure espece de chêne.
Il croît sur toutes sortes de terroirs, & principalement parmi
les pins, dans les lieux élevés & stériles. Catesby.
Cette espece de chêne a bien réussi dans les plantations
de M. de Buffon en Bourgogne. L'écorce de cet arbre est en effet
blanchâtre; sa feuille est plus grande, & d'un verd plus pâle
que celle de nos chênes communs; mais il croît plus vîte
d'environ un tiers: il s'accommode mieux des mauvais terreins,
& il est très - robuste; ce qui doit faire juger qu'il seroit
bien avantageux de multiplier cet arbre.
27. Le chêne de Virginie à feuilles de saule. C'est un
arbre de moyenne hauteur, dont la feuille qui ressemble à celle
du saule, est encore plus longue, & dont le gland est très
- petit.
28. Le chéne toûjours verd, à feuilles oblongues, & sans
sinuosités. Sa hauteur ordinaire est d'environ quarante piés.
Le grain du bois est grossier, plus dur & plus rude que celui
d'aucun autre chêne: il devient plus gros au bord des marais
salés où il croît ordinairement. Son tronc est irrégulier, &
la plûpart du tems panché, & pour ainsi dire couché; ce qui
vient de ce que le terrein étant humide, a peu de consistance,
& que les marées emportent la terre qui doit couvrir les racines:
dans un terrein plus élevé ces arbres sont droits, & ont la
cime réguliere & pyramidale, & conservent leurs feuilles
toute l'année. Leur gland est plus doux que celui de tous les
autres chênes. Les Indiens en font ordinairement provision,
& s'en servent pour épaissir les soupes qu'ils font avec de
la venaison: ils en tirent une huile très agréable & très
- saine, qui est presque aussi bonne que celle d'amande. Catesby.
29. Le chêne noir. C'est un arbre de moyenne hauteur,
dont la feuille pour la forme approche de celle du sassafras.
Cet arbre, au rapport de Catesby, croît ordinairement dans un
mauvais terrein: il est petit, & a l'écorce noire, le grain
grossier, & le bois ne sert guere qu'à brûler. Quelques -
uns de ces arbres ont des feuilles larges de dix pouces.
30. Le chêne d'eau d'Amérique. C'est un arbre de moyenne
hauteur, dont la feuille sans dentelure se termine par une espece
de triangle: il ne croît que dans les fonds pleins d'eau. La charpente
qu'on en fait n'est pas durable; ainsi on ne s'en sert guere que
pour clorre les champs. Quand les hyvers sont doux, il conserve
la plûpart de ses feuilles. Les glands qu'il porte sont petits
& amers. Catesby.
31. Le chêne blanc de la Caroline. C'est un arbre de moyenne
hauteur, qui a des veines verdâtres. Suivant Catesby, ses feuilles
ont les entaillures profondes, & les pointes fort aiguës;
son écorce & son bois sont blancs, mais le grain n'est pas
si serré que celui du précédent.
32. Le petit chêne à feuilles de saule. C'est un arbrisseau
dont la feuille, quoique ressemblante à celle du saule, est néanmoins
plus courte. Cet arbre, dit Catesby, est ordinairement petit;
son écorce est d'une couleur obscure, & ses feuilles d'un
verd pâle, de la même figure que celle du saule: il croît dans
un terrein sec & maigre; il ne produit que peu de gland, encore
est - il fort petit.
33. Le chêne rouge de Marylande. C'est un grand arbre
dont les feuilles découpées comme celles du chêne esculus,
sont plus grandes, & garnies de pointes. Les feuilles de ce
chêne, au rapport de Catesby, n'ont point de figure déterminée;
mais elles sont beaucoup plus variées entre elles que celles des
autres chênes: il en est de même du gland. L'écorce de
cet arbre est d'un brun obscur, très - épaisse & très forte;
elle est préférable à toute autre pour tanner. Son bois a le grain
grossier; il est spongieux, & peu durable. Il croît dans un
terroir élevé.
34. Le chêne d'eau d'Espagne. C'est un petit arbre dont
la feuille ressemble à celle de l'olivier, & dont le gland
est comprimé & joliment terminé par une houpe de filets.
35. Le chêne de Marylande. C'est un arbre de moyenne hauteur,
dont la feuille qui ressemble à celle du châtaigner est velue
en - dessous.
36. Le chêne saule. On ne trouve jamais cet arbre que
dans les fonds humides: les feuilles en sont longues, étroites,
& unies aux extrémités comme celles du saule: le bois en est
tendre, le grain gros, & il est moins bon pour l'usage que
celui de la plûpart des autres especes de chêne.
37. Le chêne d'Afrique. Cet arbre ne differe de nos chênes
communs que par son gland, qui est du double plus long.
Toutes ces especes de chênes sont assez robustes pour
résister au froid de la partie septentrionale de ce royaume, &
on peut les élever comme nos chênes ordinaires. (c)
Chêne (Page 3:288)
Chêne. (mat. med.) Les feuilles & l'écorce du chêne
sont astringentes, résolutives, propres pour la goutte sciatique,
pour les rhumatismes, étant employées en fomentation.
L'écorce entre dans les gargarismes qu'on employe contre le relâchement
de la luette, & contre les ulceres de la bouche & de la
gorge.
Elle entre dans les clysteres astringens, & dans les injections
pour la chûte de la matrice ou du fondement.
Le gland de chêne est employé en Medecine: on doit le
choisir gros, bien nourri; on en sépare l'écorce, & on le
fait sécher doucement, prenant garde que les vers ne s'y mettent,
car il y est sujet: on le réduit en poudre pour s'en servir. Il
est astringent, propre pour appaiser la colique & les tranchées
des femmes nouvellement accouchées, pour tous les cours de ventre;
la dose en est depuis un scrupule jusqu'à un gros.
La cupule ou calotte du gland de chêne est astringente;
on s'en sert dans les remedes extérieurs pour fortifier; on pourroit
aussi en prendre intérieurement comme du gland.
Les galles de chêne ou fausses galles, les pommes de chêne,
& les raisins de chêne, sont des excroissances que
produit la piquûre de certains insectes qui y déposent leurs oeufs,
& qui y produisent des vers: ces excroissances sont astringentes.
Au demeurant, il en est de ces propriétés du chêne, de
sa feuille, & de ses autres parties, comme de celles des autres
productions que la matiere médicale compte parmi ses ressources;
elles demanderoient presque toutes plus d'observations que nous
n'en avons.
La vraie noix de galle est différente de ces communes.
Chêne verd (Page 3:288)
Chêne verd, ilex, genre d'arbre qui porte des chatons
composés de plusieurs étamines qui sortent d'un calice fait en
forme d'entonnoir, & attachés à un petit filet. Les glands
naissent sur le même arbre séparément des fleurs; ils sont enchassés
dans une espece de coupe, & ils renferment un noyau que l'on
peut séparer en deux parties. Ajoûtez au caractere de ce genre
que les feuilles sont dentelées, mais cependant bien moins profondément
découpées que celles du chêne. Tournefort, Inst. rei
herb. voyez Yeuse.(I)
Chêne royal (Page 3:288)
Chêne royal ou Chêne de Charles, (Astr.) constellation
de l'hémisphere méridional, qu'on ne voit point sur notre horison:
elle est une de celles que M. Halley a été observer en 1667 à
l'île de Sainte - Hélene, & il l'a nommée ainsi en mémoire
du chêne où Charles II, roi d'Angleterre se tint cachè
lors [p. 289] qu'il fut poursuivi par Cromwel
après la déroute de Worcester.
Source Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres rédigé entre 1751 et 1772 sous la
direction de Diderot.
|