Dans l'Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres (Page 10:387)
MERISIER, s. m. (Botan.) espece de cerisier sauvage à fruit noir,
cerasus sylvestris, fructu nigro, I. B. 1. 220 cerasus major,
ac sylvestris, fructa dulci, nigro colore infirieure, C. B. P.
450.
C'est un grand arbre dont le tronc est droit, l'écorce
extérieure de couleur brune ou cendrée, tachetée
& lisse; l'écorce intérieure est verdâtre. Son
bois est ferme, tirant sur le roux; ses feuilles sont oblongues,
plus grandes que celles du prunier, profondément crénelées,
luisantes, un peu ameres.
Ses fleurs sortent plusieurs ensemble comme d'une même
gaîne, portées sur des pédicules. courts, un peu
rouges, semblables à celles des autres cerisiers; quand elles
sont passées, il leur succede des fruits presque ronds,
petits, charnus, doux, avec une legere amertume, agréables,
remplis d'un suc noir qui teint les mains: nous nommons ces fruits
cerises noires.
On les mange nouvellement cueillies; on en boit la liqueur fermentée
& distillée; enfin on en tire une eau spiritueuse,
soit en les arrosant de bon vin & les distillant après les
avoir pilées avec les noyaux, soit en versant leur suc
exprimé sur des cerises fraîchement cueillies & pilées,
les laissant bien fermenter, jusqu'à ce qu'elles aient acquis
une saveur vineuse: alors on les distille pour en tirer un esprit
ardent; & c'est dans les proportions de force & d'agrément
de cet esprit que consiste l'art des distillateurs qui en font
commerce. (D. J.)
Merisier (Page 10:387)
Merisier, grand arbre qui se trouve dans les bois des pays tempérés
de l'Europe, au Mississipi, dans le Canada, &c. Il
fait une tige très - droite; il prend une grosseur proportionnée
& uniforme: ses branches se rangent par gradation; elles s'étendent
en largeur & se soutiennent. Son écorce est lisse,
unie & d'un gris cendré assez clair. Ses feuilles sont
belles, grandes, longues, dentelées, pointues, & d'un
verd assez clair; mais elles deviennent d'un rouge foncé
en automne avant leur chûte. L'arbre donne au printems une grande
quantité de fleurs blanches qui ont une teinte legere de
couleur pourpre: elles sont remplacées par des fruits charnus,
succulens, d'un goût passable, qui renferment un noyau dans lequel
est la semence. Il y a deux sortes de merisiers, l'un à
fruit noir, qui est le plus commun, & l'autre à fruit rouge,
qui a le plus d'utilité relativement aux pepinieres. Ces
arbres sont agrestes, très robustes; ils viennent assez promptement;
il subsistent dans les plus mauvais terreins; ils se plaisent
dans les lieux élevés & exposés au froid,
& ils réussissent très - aisément à la transplantation.
On multiplie le merisier en faisant semer les noyaux au
mois de Juillet dans le tems de la maturité du fruit; ils
leveront au printems suivant: on pourra même attendre jusqu'au
mois de Février pour les semer; mais si on n'avoit pas
eu la précaution de les conserver dans du sable ou de la
terre, ils ne leveroient qu'au second printems. Les jeunes plants
seront assez forts au bout de deux ans pour être mis en
pepiniere, ce qu'il faudra faire au mois d'Octobre, avec la seule
attention de couper le pivot & les branches latérales;
mais il faut bien se garder de couper le sommet des arbres: ce
retranchement leur causeroit du retard, & les empêcheroit
de faire une tige droite. L'année suivante ils seront propres
à servir de sujets pour greffer en écusson des cerisiers
de basse tige; mais si l'on veut avoir des arbres greffés
en haute tige, il faudra attendre la quatrieme: c'est le meilleur
sujet pour greffer toutes les especes de bonnes cerises.
On peut se procurer des merisiers en faisant prendre dans
les bois des plants de sept à huit pies de hauteur: le mois d'Octobre
ou celui de Février sont les tems propres à la transplantation.
Un auteur anglois, M. Ellis, assure qu'à quarante ans ces arbres
sont à leur point de perfection; & il a observé que
des merisiers dont il avoit fendu au mois d'Avril l'écorce
exterieure avec la pointe d'un couteau, sans blesser l'écorce
intérieure, avoient pris plus d'accroissement [p. 388]
en deux ou trois ans, que d'autres merisiers auxquels on
n'avoit pas touché, n'avoient fait en quinze ans.
Le merisier est peut être l'arbre qui réussit
le mieux à la transplantation pour former du bois & pour garnir
des places vuides. M. de Buffon, à qui j'ai vu faire de grandes
epreuves dans cette partie, & qui a fait planter des arbres
de toutes especes pour mettre des terreins en bois, y a fait employer
entr'autres beaucoup de merisiers. Dans des terres très
- fortes, très - dures, très - froides, couvertes d'une quantité
extreme d'herbes sauvages, le merisier a été
l'espece d'arbre qui a le mieux reussi, le mieux repris, &
le mieux profité, sans aucune culture. On observe que le
terrein en question est environné de grandes forêts
où il n'y a point de merisiers, & qu'on n'en trouve
qu'à trois lieues de là: ainsi on ne peut dire pour raison du
succès que les merisiers étoient naturalisés
dans le pays, qu'ils s'y plaisoient, ni que ce terrein dût leur
convenir particulierement, puisqu'il est bien acquis au contraire
qu'il faut à cet arbre une terre légere, sablonneuse &
pierreuse.
Le fruit de cet arbre, que l'on nomme merise, est succulent,
extrèmement doux, bon à manger; les merises rouges sont moins
douces que les noires: celles - ci sont d'un grand usage pour
les ratafiats; elles en font ordinairement la base. On en peut
faire aussi de bonne eau - de - vie.
Le bois du merisier est rougeâtre, très - fort, très dur;
il est veiné, sonore & de longue durée; il est
presque d'aussi bon service que le chêne pour le dedans
des bâtimens. Sa couleur rouge devient plus foncée en le
laissant deux ou trois ans sur la terre après qu'il est coupé;
il est très - propre à faire des meubles, tant parce qu'il est
veiné & d'une couleur agréable, qu'à cause qu'il
prend bien le poli & qu'il est facile à travailler: en sorte
qu'il est recherché par les Ebenistes, les Menuisiers,
les Tourneurs, & de plus par les Luthiers.
Le merisier a donné une très jolie variété,
qui est à fleur double: on peut l'employer dans les bosquets,
ou elle sera d'un grand agrément au printems; elle donne
à la fin d'Avril la plus grande quantité de fleurs très
- doubles, qui sont d'une blancheur admirable. Cette variété
ne porte point de fruit: on la multiplie aisément par la
greffe en écusson sur le merisier ordinaire, qui
fait toujours un grand arbre; mais si l'on ne veut l'avoir que
sous la forme d'un arbrisseau, il faudra la greffer aussi en écusson
sur le cerisier sauvage dont le fruit est très - amer, que l'on
nomme à Paris mahaleb, en Bourgogne canot ou quenot,
& à Orléans canout.
Source Encyclopédie ou Dictionnaire
raisonné des sciences, des arts et des métiers, par une Société
de Gens de lettres rédigé entre 1751 et 1772 sous la
direction de Diderot.
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