La forêt fugitive (page 2 sur 3)
Le temps passa, long et terrible . Les hommes avaient appris les luttes, les guerres, les cruautés. L'homme se crut, un jour, maître du monde… et des forêts. L'homme se crut maître de tout et s'arrogea le droit de tout soumettre à ses appétits de conquête. Dès lors, la face de la planète bleue changea. Dans la forêt, ni les feuilles, ni les branches, ni les troncs, ni les racines ne comptaient plus pour l'homme. Aveuglé, emporté par sa soif de tout dompter, il ne voyait plus que sa gloire. Au-dessus des monts, au-dessus des mers, au-dessus des plaines et des forêts, il ne voyait plus qu'un immense domaine, qu'une ombre immense : son ego, démultiplié.
Un nouveau dieu apparut, qui n'avait plus rien à voir avec l'arbre du monde, qui ne fut plus celui des forêts, des sylvains, ni celui des hamadryades. Ce nouveau dieu supplanta le rêve, la vie : c'était le dieu ARGENT. A son nom, les hommes, comme fous, accouraient et clamaient, excités, incontrôlables, affreux : " A moi ! A moi ! A moi, la richesse de la terre ! " Et ils s'avancèrent, menaçants, dans le ventre des forêts, saccageant tout sur leur passage. A terre, gisaient pêle-mêle des fûts tronçonnés et laissés là, pourrissants. Leur cœur se desséchait et ils laissaient échapper, mue désolante, de grands pans de grume éclaté. D'autres arbres, encore sur pied — mais pour combien de temps ? — montraient, mordus par les haches, les scies, les tronçonneuses, leurs multiples amputations, leurs moignons racornis. Des douleurs erratiques laminaient les grandes forêts d'antan.
Alors, d'effroi, la forêt recula, laissant couler sur ses anciennes traces de vastes étendues arides. Les grands arbres séculaires auraient voulu disparaître à jamais… Délaissées, meurtries, veuves, les forêts pleuraient. De leurs larmes, un jour, naquit le saule. On voyait, égouttée de ses feuilles et de ses rameaux, couler l'onde triste et nostalgique, le regret amer d'avoir vu mourir ses aïeux. Triste saule, isolé, pleurant, au bord de tes misères !
On vit même des hommes s'en prendre aux forêts pour nuire à d'autres hommes : dans un pays lointain, aux confins du Levant, ils répandirent, dans les sylves, des torrents d'acides corrosifs. Lentement asphyxiée, empoisonnée, la forêt se mourait peu à peu, prise de hoquets et de convulsions. Ses râ
Dans son jardin, Frantz observait. Son père avait entamé le bas du tronc du grand frêne avec sa lourde hache de bûcheron. Au premier coup, le frêne hurla, tendant très haut ses branches. Un frémissement douloureux arquait son tronc, crispait ses nœuds roidissait sa sève. Tout son être se figeait en un point dur, serré où toute la douleur du monde se concentrait : point crucial de la révolte, de la souffrance, de la vie. Soudain, gémissant sur sa destruction, il mit bas ses bourgeons, comme accouchant d'un enfant mort-né. En un murmure lent et long, on vit tomber un à un les tristes bourgeons de l'arbre et mourir, en bas, sur le sol, inertes, les semences de la vie.
Ailleurs, Frantz le comprit soudain, d'autres espèces capitulaient. Il vit l'â Mais Frantz ne fut pas le seul. Bien loin de lui, Igor hurla la mort du bouleau. Multipliant l'écho, des déchirements éclataient un peu partout sur le globe : Jimmy pleurait son érable, Nathalie son chêne, Mamadou son baobab, Pablo son séquoia…. Partout, les enfants hurlaient. Longs cris des agonies qui traversaient l'espace.
Séléné ne dormit plus. Elle appela ses soldats. Ils entreprirent alors un grand voyage qui les mena sur la petite planète bleue, " bleue comme une orange ".
A partir de ce jour, les enfants se levèrent chaque nuit et, chaque nuit, ils se retrouvaient dans les forêts, dans ce qui en restait… Au pied d'un grand arbre à pattes de lion, le chêne rouvre, roi des forêts, ils rencontraient l'ami venu de Séléné. Chaque Sélénite avait son enfant à lui, à qui il délivrait son message. Comme les â
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