Le bonheur est dans le jardin d'Epicure (page 1 sur 4)

Lucrèce
Démocrite
Epicure

On aura beau faire, on n'y échappera pas : le désarroi de l'époque incite les plus réfléchis d'entre nous à s'interroger sur leur style de vie. Et, de déceptions en constats d'échec, à se poser encore et encore la question du bonheur, de la vie réussie. D'où le retour des religions, d'où une interrogation récurrente sur la sagesse des anciens. Nietzsche, rappelait ici même le philosophe Pierre Hadot, prétendait que « les différentes écoles philosophiques de l'Antiquité doivent être considérées comme des laboratoires expérimentaux dans lesquels différents modes de vie ont été à la fois pensés et pratiqués ». Nietzsche ajoutait que nous pouvions « utiliser les résultats de ces expériences en toute propriété ». Et c'est bien ce que nous faisons lorsque, par exemple, nous calquons notre art de vivre sur celui des stoïciens (voir Le Point n° 1509).

Aujourd'hui, c'est un autre modèle que nous vous proposons d'examiner : le modèle épicurien, bien en phase avec des temps où l'individu se déclare roi mais est bien empêché de définir son royaume. « Ne pas avoir faim, ne pas avoir soif, ne pas avoir froid », telle était la formule du bonheur selon Epicure. On est bien loin de l'image courante de l'épicurien confondu, au mieux, avec le bon vivant, au pis, avec le débauché. L'épicurisme est beaucoup plus qu'une simple gastronomie de la vie. Invitation à la philosophie - M.-F. L.

Pierre-Henri Tavoillot

Singulier destin que celui de cette doctrine admirée et pratiquée avec ferveur par des communautés entières durant l'Antiquité ; puis accusée de tous les maux et de tous les vices par ses adversaires stoïciens ou chrétiens ; redécouverte enfin par les contemporains comme une anticipation géniale de la science et du matérialisme modernes, de l'éthique individualiste et des grandes critiques de la superstition. Méfions-nous pourtant des calomnies autant que des anachronismes, et relisons cette philosophie à partir de son interrogation fondamentale : comment vivre, sans trop la gâcher, notre vie de simple mortel ? Elle n'a rien perdu de son actualité.

C'est en 306 avant J.-C. qu'Epicure fonde à Athènes, sur un petit terrain qu'il venait d'acheter, l'école dite du Jardin. Il est accompagné de ses disciples et amis qui, depuis des années, l'entourent et le suivent. Très rapidement, cette école obtient un succès qui l'installe durablement (près de trois siècles !) au rang de l'Académie de Platon, du Lycée d'Aristote et du Portique des stoïciens, fondé quelques années plus tard (en 301). Parmi ces écoles, le Jardin se distingue toutefois : plus que d'un centre de recherche et de transmission du savoir, il s'agit d'une véritable communauté fraternelle de vie. Pas de frais d'inscription ou de scolarité : de riches mécènes pourvoient aux besoins ; pas de sélection : les hommes y côtoient les femmes (ce qui fera naturellement jaser), les adultes ne sont pas séparés des enfants, pas plus que les esclaves des hommes libres.

Dans ces temps troublés qui suivent la mort d'Alexandre, les cités grecques, et notamment Athènes, sont affaiblies par des conflits qui les dépassent. C'est donc le cercle d'amis, et non plus la cité, qui va fournir le cadre de réflexion sur la vie réussie. Epicure ira même jusqu'à recommander de « vivre caché », sans s'occuper des affaires publiques, sauf à y être contraint par des menaces sur la paix et la sécurité.


© le point 02/08/02 - N°1559 - Page 69 - 3137 mots

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