L'ombre du mûrier

Dans un village habitait un richard avare et cupide, du nom de Salaibayi. Sa maison était plantée au bord de la route qui menait au bazar. Devant sa porte se dressait un mûrier très élevé dont l'ombre se déplacait en fonction des positions du soleil. Tous les matins, l'ombre dissimulait une grande partie de la route et tous les après-midi, la cour entière de la maison. Quand la lune se levait, c'est son toit qui se trouvait complètement dans l'ombre.

Lors de fêtes foraines, les gens de passage avaient pris l'habitude de venir s'asseoir à l'ombre du mûrier pour faire halte et prendre le frais. Mais Salaibayi ne manquait pas d'accourir:

- Allez vous reproser dans votre ombre!

Et il n'arrêtait son manège que lorsque chacun avait vidé les lieux.

Nombre de villageois avaient subi cette brimade. Parmi eux, un jeune homme du nom de Apqilam, détestait cette façon d'agir sans savoir toutefois quelle mesure prendre. Il en avait plusieurs fois discuté avec ses amis, des pauvres comme lui...

L'hiver était arrivé, traînant derrière lui ses malheurs et ses adversités, car pour les pauvres, c'était la période la plus insupportable de l'année. En effet, pour faire face au froid, les plus démunis devaient aller ramasser du petit bois qu'ils allaient vendre au delà du Gobi et gagner ainsi quelques sous. Quant à Apqilam, il faisait partie du lot et menait une vie tellement misérable que certains jours, il ne mangeait même pas à sa faim!

Le printemps pourtant revint. Avec le renouveau, les enfants jouaient aux champs et les chansons flottaient dans l'air. Les fleurs répandaient leur parfum et les alouettes occupaient joyeusement le ciel.

Un jour que Apqilam bavardait avec ses amis dans les champs, il lui vint une idée pour jouer un tour à Salaibayi. Sitôt dit, sitôt fait. Il alla emprunter 50 pièces d'argent et s'engagea sur le chemin du bazar. Le long de la route, il chantait à tue-tête:

Sur la route du Gobi qui s'étend à l'infini,

Pourquoi les gens de passage ne trouvent-ils pas un endroit pour prendre le frais?

Parce que Salaibayi rugira de colère,

Dès qu'ils s'arrêteront à l'ombre du mûrier.

Dans un monde si vaste,

Pourquoi les riches peuvent-ils agir avec une telle arrogance?

Sur cette terre féconde,

Pourquoi les pauvres ne possèdent-ils pas un lieu pour se reposer?

Complètement en sueur, Apqilam était arrivé devant chez Salaibayi, où il s'était allongé à l'ombre du mûrier. Comme à l'habitude, le propriétaire de la maison, hors de lui, se mit à hurler:

- Fiche-moi le camps! Il est défendu de s'arrêter ici!

- Monsieur Bayi! Je suis sur la route où l'on peut passer librement!

- Oui, mais l'ombre du mûrier est à moi!

- Ce n'est pas parce que je me repose un instant que l'ombre va disparaître!

- Comment? Tu veux que mon ombre disparaisse? Est-ce que tu sais combien coûte cette ombre? Chaque feuille coûte une pièce d'argent!

- Ainsi, d'après ce que vous me dites, je me trouve assis à l'ombre de vos pièces d'argent?

- Exact! Les bien mantis seulement ont le droit de rester à l'ombre de mes pièces d'argent. Le jour où tu seras riche, tu en auras le droit aussi.

- Voulez-vous dire par là que tant qu'on paye, on peut jouir de l'ombre?

- Bien sûr!

- Alors, avez-vous l'intention de mettre cette ombre en vente?

- Serais-tu prêt à acheter cette ombre? Cesse donc de me raconter des blagues et déguerpis!

- Vous savez, monsieur, je vous trouve bien présomptueux! fit Apqilam.

Le richard en resta bouche bée. Au bout d'un instant, tenté par la possibilité de se faire une fortune, Salaibayi décida de marchander avec le pauvre hère.

Voyant hésiter son interlocuteur, Apqilam reprit:

- Puisqu'il s'agit d'une affaire sérieuse, des témoins sont indispensables. Courez chercher un imam* et son assistant et moi, quelques amis. Comme ça, nous pourrons signer un contrat en bonne et due forme.

* Imam: Fonctionnaire employé dans une mosquée comme chef de prière. Le terme placé devant le nom d'une personne ordinaire, marque le respect.

- D'accord! Mais il nous faut d'abord fixer le tarif et l'hypothèque que je devrai consentir. Le reste sera très facile à régler, dit Salaibayi.

Après discussion, les deux protagonistes tombèrent d'accord - quatre cents pièces d'argent! Apqilam engagea tout de suite ses 50 pièces et rentra chez lui pour inviter ses amis à le rejoindre.

Salaibayi jubilait: "Quel idiot, tu fais! se dit-il. Je t'ai trompé. C'est vraiment une aubaine!" Il allait envoyer un domestique pour convoquer l'imam lorsqu'il se ravisa et raisonna ainsi: "Pour une si bonne affaire, moins il y aura d'initiés, mieux cela vaudra! D'ailleurs, l'imam et son adjoint sont-ils suffisamment importants pour couvrir l'événement de leur présence? Il vaudrait mieux que j'aille moi-même inviter le grand Mollah**." Ainsi, rappela-t-il le domestique et se rendit-il en personne chez le grand Mollah.

**Mollah: Dans l'Islam, savant docteur en droit canonique.

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http://www.chineseliterature.com.cn/modernliterature/shangshu/shangshu2.htm

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